CORTEGE POUR L'ENFANT MORT
(poème de Marie-Noël, poétesse d'Auxerre décédée en 1967 - extrait de son "Office pour l'enfant mort" aux Editions Stock)
avec l'aimable autorisation des Frères Martineau
Site de Patrice et Roger Martineau
Extrait de l'album "Vie de Famille"
L'enfant frêle qui m'était né, Tantot nous l'avons promené
L'avons sorti de la maison Au gai soleil de la saison ;
L'avons conduit en mai nouveau, Le long des champs joyeux et beaux ;
Au bourg avec tous nos amis, L'avons porté tout endormi...
Mais en vain le long du chemin Ont sonné les cloches, en vain,
Tant il était ensommeillé, Tant qu'il ne s'est pas réveillé,
Au milieu des gens amassés, Quand sur la place il a passé.
D'autres que moi, cet aujourd'hui, A l'église ont pris soin de lui.
C'est le bedeau qui l'a bordé Dans son drap blanc d'argent brodé.
C'est le curé qui l'a chanté Avec ses chantres à coté
C'est le dernier qui l'a touché, Le fossoyeur qui l'a couché
Dans un berceau très creux, très bas, Pour que le vent n'y souffle pas
Et jeté la terre sur lui Pour le couvrir pendant la nuit
Pour lui ce que chacun pouvait, Tant qu'il a pu, chacun l'a fait
Pour le bercer, le bénir bien Et le cacher au mal qui vient.
Chacun l'a fait... Et maintenant Chacun le laisse au mal venant
Allez-vous en ! Allez-vous en ! La sombre heure arrive à présent.
Le soir tombe, allez ! partez tous ! Vos petits ont besoin de vous.
Rentrez chez vous et grand merci !... Mais il faut que je reste ici.
Avec le mien j'attends le soir, J'attends le froid, j'attends le noir.
Car j'ai peur que ce lit profond Ne soit pas sûr, ne soit pas bon.
Et j'attends dans l'ombre, j'attends Pour savoir... s'il pleure dedans... |