A Léo, notre être de lumière
Nous sommes le 13 mai 2003 et nous avons rendez-vous pour l'échographie du 2ème trimestre. Nous sommes si heureux en ce jour, nous allons connaître le sexe de notre bébé.
Il est 11h00 en ce jour de mai où le ciel est lumineux, le nord de la France nous réserve rarement de si belle journée.
11h15, mon gynécologue nous appelle et comme deux enfants, nous entrons dans cette salle obscure qui restera à jamais salle de la fatalité pour moi.
Je m'allonge sur la banquette et mon mari me tient la main avec un sourire de petit enfant. Le gynécologue commence, il examine la tête et là je vois dans les yeux du médecin une inquiétude, je ne dis rien, j'attends; mais je sais déjà que quelque chose ne va pas. Il y a un problème. Des larmes coulent déjà. J'ai vraiment peur. Je sens qu'il y a quelque chose. En effet, une dilatation ventriculaire cérébrale. Que veut dire cela, nous n'y comprenons rien. Puis il passe le cerveau, il examine les autres membres, il s'attarde sur le coeur, la colonne vertébrale et nous commente ses passages. Mais moi je ne l'écoute plus, les larmes coulent toutes seules, mon mari me regarde, il sait que ça ne va pas. Il interroge le médecin ; il retourne au cerveau du bébé et nous confirme le problème qu’a notre bébé. « Une dilatation du carrefour ventriculaire cérébral gauche. » Je suis effondrée.
Il nous envoie à Lille pour un examen plus précis. Il faut attendre 1 semaine le lundi 19 mai, j'ai rendez-vous avec une gynécologue. J'attends d'elle un espoir. Je me dis que ce n'est rien, juste un petit souci sans gravité. Mais non, c'est grave car c'est une dilatation bilatéral avec un kyste. L'horreur. La gynéco nous le dit : « C'est grave, ce n'est pas bon du tout." Elle nous demande de revenir le 27 mai pour une amniosynthèse, une ponction du cordon ombilical et une IRM du bébé. Nous repartons à la maison, nous ne parlons pas dans la voiture, le retour est long.
Les jours sont interminables. Je ne peux plus toucher mon ventre. Je le hais. Je ne veux plus que mon mari me touche. C'est horrible, je veux oublier que je suis enceinte. Je le suis déjà de 5 mois ½ et mon ventre est bien rond. Comment me cacher ? Comment oublier que j'attends un bébé ? Il bouge tellement. De plus en plus.
La semaine passe et je m'informe sur Internet des problèmes cérébraux qu'a mon bébé. Ce n'est vraiment pas bon du tout. Je vais voir d'autres médecins et ils me confirment les problèmes. Nous nous projetons dans l'avenir avec un enfant qui sera certainement atteint de plusieurs handicaps : moteurs, physiques et aussi des crises d'épilepsies incontrôlables. Que faire, nous sommes anéantis
Je me renseigne déjà sur Internet, c'est sur un site, que j'ai trouvé une grande partie
des réponses à mes angoisses ( http://lisanotreange.chez.tiscali.fr/index.htm). Le temps est long et je sais, je comprends qu'il n'y aura plus de bébé, pas de naissance en
septembre. Pas d'enfant près de nous cette année.
Nous sommes le 27 mai, nous arrivons à l'hôpital à 8h45 et là on nous installe mon mari et moi dans une chambre. On me dit qu'on viendra me chercher d'ici une heure.
Nous voilà partis. J'ai très peur et j'angoisse énormément. On me fait une échographie avec beaucoup de maladresse. Je ne peux regarder les images, cela me fait trop mal. L'infirmière est, elle, indélicate ; Elle commente les membres du bébé. Je pleure, crispée, le médecin doit attendre que je me calme. Et puis la douleur, deux douleurs inexplicables que je n'oublierai jamais. (Amniocenthèse et ponction).
Voilà ensuite 12h00, rendez-vous pour une IRM du bébé dans un autre hôpital. On me donne un cachet pour que le bébé bouge le moins possible.
Je ne suis pas la seule, une femme attend car elle a contracté la toxoplasmose elle est à 8 mois. Elle a peur, comme moi. Mais moi je sais que je ne pourrais garder mon bébé. Je le sens.
On me demande de revenir le 3 juin pour une réunion avec des médecins. Je n'en peux plus, je sens mon bébé bouger de plus en plus et je déprime totalement. Je sens maintenant ses membres à travers mon ventre. C'est horrible. Je suis à bout.
Rendez-vous le 3 juin avec une neuropédiatre. Elle nous explique clairement les complications futures si nous décidons de garder le bébé. Impensable, comment peut-on faire cela à son enfant. Aujourd'hui j'ai parfois honte et je culpabilise. Devoir décider à la place de Dieu de faire vivre ou non son enfant. C’est horrible et monstrueux. Je ne pourrais jamais oublier cette décision.
Nous avons réfléchi et rentrons à l'hôpital le 5 juin au soir.
Le lendemain matin 10h00, on vient me chercher pour la péridurale, je ne cesse de pleurer. J’ai peur. Là, on me dit que l'on va devoir endormir mon bébé pour toujours. J'ai compris qu'en me réveillant, je ne sentirai plus mon bébé bouger. Je n’ai pas eu le temps de dire au revoir à mon bébé. Mon mari n’était pas au courant car je pensais que l’on me descendait seulement pour la péridurale. Je pleure, les médecins me rassurent, me consolent, beaucoup de gestes de tendresse…
Le retour dans ma chambre se fait en pleurs car je sais maintenant que mon bébé est parti au ciel. Quelle tristesse !
Les premières contractions arrivent mais je ne sens pratiquement rien. La journée passe et à 17h00, je sens que c'est le moment. Ils me descendent au bloc et là j'attends pour accoucher. Mon mari est là, il a voulu être près de moi, il me réconforte. J'ai vraiment besoin de lui.
Quelques minutes plus tard, mon bébé est né, mais pas de pleurs évidemment. La sage-femme l'enveloppe dans un drap et l'emmène dans une salle voisine pour le laver et l'habiller d'un vêtement que j'avais acheté au rayon poupée d'un centre commercial.
Une heure passe et on me demande si je veux voir Léo, j'ai peur, donc je demande à mon mari s'il veut bien y aller d'abord. Il est d'accord et revient quelques minutes plus tard. On me prévient que Léo est bleu-violé et que je serais peut être choquée. Mais rien à faire, je veux voir mon fils. IL est si beau. Il mesurait 37 cm et pesait 1kgs 150. J'étais de 27 semaines d’aménorrhée.
Je lui prends la main, l'admire, c'est mon fils, on dirait qu'il dort.
En sortant de la salle d'accouchement, je vois des mamans avec leurs bébés. Des parents félicitent même mon mari. Il ne répond pas, c'est trop dur.
Nous avons incinéré Léo le 13 juin 2003 et l'avons déposé au columbarium de notre ville. Nous avons mis également une photo de nous deux pour qu'il ne se sente pas trop seul. Pour qu'il sache que nous penserons toujours a lui. J'ai aujourd'hui, grâce au soutien de l'hôpital Jeanne de Flandres, des photos de mon ange, j'ai gardé son petit bracelet et son livret d'aumônerie. J'ai même acheté en double le nounours qu'on lui a offert. J'aurais tellement aimé faire un moule de son pied ou de sa main, mais je n'y avais pas pensé. Dommage.
Les anciens disent que dans la vie, chaque humain porte sur ses épaules un fardeau. Maintenant que le mien est passé, j'espère que Dieu me laissera tranquille.
Nous sommes début septembre et je devais accoucher le 14, les jours passent et cela devient de plus en plus difficile. Je me cache pour pleurer, je ne veux pas inquiéter ma famille.
Maintenant je n'espère qu'une chose, ressentir la vie en moi. Sentir un coeur battre pour moi.
Mon récit est une façon pour moi de soulager ma douleur. Il est peut être long mais pas assez long pour exprimer ma douleur et ma haine.
J'aimerai remercier les docteurs Anne Sylvie VALAT et Maryse DUMOULIN pour leur soutien. Dans notre malheur, nous avons eu la chance d'être entourés de femmes exceptionnelles.
Que Léo repose en paix !
PS :
Une petite sœur devrait pointer le bout de son nez en juillet 2004.
Voir la lettre "Petite étoile"
Voir le faire-part de naissance de sa petite soeur
"Lilou"
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