A notre ange Amandine

 

 

Madame, Monsieur,

 

Je viens témoigner de mon expérience cruelle que la vie m'a faite ainsi qu'à mon époux.

Pour la toute première fois j'étais enceinte en janvier 2001, je devais accoucher le 11 septembre 2001, nous étions heureux et l'avons tout de suite annoncé à toute la famille et les amis, mais le bonheur est parti un vendredi de février (jour de repos de mon époux), où j'ai senti que je perdais du sang, nous sommes allés à la clinique où nous avons attendu dans la salle d'attente en pleurant, les personnes devaient se demander ce qui se passait, et là le verdict est tombé, c'était un oeuf clair, pas de bébé, mon corps était en train de l'expulser, quelle horreur, quelle souffrance et quel désespoir, j'ai dû faire un curetage le mardi suivant. Nous avons été très bien entourés par la clinique, nos familles et nos amis, une amie était enceinte en même temps que moi, et à chaque fois que je vois son garçon je pense toujours que j'aurais eu un enfant aussi grand, 2 ans et demi.

 

Après cette triste expérience il m'a fallu quelques mois pour me remettre, pour reprendre le dessus et nous avons essayé de concevoir un autre enfant, chose si facile et si anodine pour certains !

Au bout d'1 an je suis allée voir ma gynécologue qui a dépisté un problème d'ovulation, j'ai suivi un traitement de 3 mois et là miracle, j’étais enceinte le 24 juin accouchement prévu le 24 mars 2003,  le futur papa heureux, m'interdisant de porter du lourd, de laver par terre pendant les 3 premiers mois, j'ai été en arrêt de travail 15 jours, cause : vomissements. Mais tout allait bien, le vrai bonheur, pourtant le dimanche 1er septembre, j'ai perdu du sang, mon coeur allait cesser de battre, l'horreur, le cauchemar étaient revenus, nous sommes allés à la clinique, c'était un décollement de placenta, courant à partir de cette date m’a-t-on dit, de ce fait  je n'ai plus travaillé pour avoir une grossesse calme, tranquille et sans risque, trop peur de perdre notre petite Amandine, échographie tous les mois, aucun problème, tout était normal, pas de trisomie 21, etc..

Ce furent 9 mois merveilleux surtout à partir du 4ème mois, c'est là qu'on a commencé à la sentir bouger. Heureux nous étions. Le papa s’amusait tous les soirs avec Amandine à travers mon ventre, elle devait être contente puisqu’elle lui répondait toujours.

Arrive le 24 mars 2003, toujours rien, mon col étant fermé je devais aller à la clinique tous les 2 jours pour voir l'évolution, nous avons conclu au samedi 29 mars pour le déclenchement, mon gynécologue étant de garde ce week-end là.

Nous sommes arrivés moi, mon époux et Amandine qui était bien où elle était, à 8 h 00, les heures les plus longues, tout était sous surveillance, ses battements de coeur, le placenta, le liquide amniotique etc..., et j’ai accouché à 23 h 17, la poussée et l'expulsion se sont bien passées, j'ai eu Amandine sur mon ventre après l'accouchement, ce fut un vrai bonheur , mais on nous l’a reprise tout de suite, le gynécologue a tout de suite remarqué qu'elle avait un problème de respiration, elle avait dû boire trop de liquide, ses poumons étaient trop trempés, par la suite ils ont du l’intuber, mon gynécologue nous a toujours rassuré car pour lui, ce n'était pas grave, juste que ses poumons était trop mouillés, cela arrive parfois, elle allait être transférée dans une autre clinique pour des examens complémentaires mais rien de grave, nous avons appelé nos parents, et parrain marraine. Après quelques heures d'attente, de réanimation pour elle son cœur avait lâché, on est venu nous annoncer qu'elle était morte, que c’était fini, et pourtant jamais je n'ai perdu espoir, j'ai prié, mais Dieu ne m’a pas entendue. Mes parents, ma belle mère, la marraine et le parrain d'Amandine sont tous venus, merci à l’équipe soignante de l’avoir permis,  nous avons pu prendre Amandine dans nos bras lui faire des câlins, la regarder, graver son visage dans nos mémoires et faire des photos pour la garder vivante. J'ai vu pour la deuxième fois mon mari pleurer, j'ai vu mon mari souffrir. Pour ma part, je ne voulais pas y croire, j'ai toujours cru que c'était un cauchemar et qu'un beau jour je me réveillerai avec Amandine à mes côtés.

 

Nous avons fait une autopsie pour savoir, elle ne nous a pas donné de réponse, ses poumons ne se sont pas ouverts, même après injection du surfactant, mais tout chez Amandine était  normal, aucune anomalie, ce n'est pas génétique, personne n'a déjà vu ce cas là, il n’est pas écrit dans l’encyclopédie des maladies néo-natales. Alors pourquoi nous ? Pourquoi elle, qu’avons-nous fait pour mériter une telle cruauté ? Le plus dur c’est de rester dans l’ignorance la plus totale.

Sa chambre était prête, et notre amour que nous lui donnions déjà tous les jours n'était plus à personne et il s'est transformé en colère, en haine, il a fallu et il faut encore le faire partir de temps en temps.

La folie m'a souvent gagnée, j'ai souvent eu l'envie d'en finir et d'aller la rejoindre, de boire pour oublier un moment, mon coeur est à vif, il est meurtri, aucun mot n’est assez juste et assez fort pour définir cette cruauté et cette souffrance qui vous poursuivent jour et nuit.

 

Aujourd'hui, je suis contente d'avoir pris des photos, elle est dans notre salle à manger, notre chambre, au bureau, et sur mon coeur, dans un pendentif. Elle est partie avec la robe que ma soeur, sa marraine lui avait achetée pour la photo à la clinique et avec 2 peluches, et une médaille que son parrain et sa marraine lui ont achetée pour son départ plutôt que pour son baptême.

Nous avons aussi fait un enterrement, je tiens à remercier l'abbé pour sa gentillesse et pour ses paroles ainsi que toutes les personnes présentes, ça aide énormément de se sentir accompagnés, soutenus, aidés et aimés.

Nous remercions aussi toute l'équipe soignante qui a fait son possible, malheureusement ce sont des médecins et non des magiciens !

Nous avons eu la chance d'être très bien entourés par rapport à certaines personnes dans notre cas, mais cela n'empêche pas de se sentir seule ou incomprise, ou d'entendre des paroles maladroites qui me font sortir de mes gonds, mais notre réconfort c'est que notre famille et nos amis proches ainsi que nous, ne l'oublierons jamais. Nous en parlons sans gêne quand on nous demande si nous avons des enfants (pour ma part j'ai eu beaucoup de mal au début, car je vivais cette naissance comme un échec ; grâce à mon époux qui a toujours été fier d'avoir une merveilleuse petite fille, on en parle souvent) et nous répondons que oui, nous avons une petite fille qui est décédée quelques heures après la naissance.

 

Aujourd'hui, le 10 avril 2004, je suis enceinte à nouveau de 2 mois, j'ai la peur au ventre et personne ne peut me comprendre et se mettre à ma place.

J'ai passé 1 an dans le néant, dans l'enfer et je n'en suis pas encore sortie, ma vie de couple en a pâtie, j'ai été très odieuse envers mon mari et je m'en excuse , je pensais que refaire un bébé tout de suite, c'était la seule chance qui nous restait pour survivre et rester en couple, mais aujourd'hui je m'aperçois que c'est très dur d'être enceinte à nouveau et que ce bébé n'aura pas 9 mois de bonheur, car il aura ma peur, mon stress,ma joie aussi à gérer mais nous lui faisons confiance. Aujourd'hui,  nous sommes encore ensemble (moi et mon époux) pour attendre ce frère ou cette soeur mais nous n'avons plus la même patience l'un envers l'autre, nous devons réapprendre à nous connaître car nous avons un peu changé, nous ne sommes plus les mêmes personnes.

 

Aujourd'hui, je me fous de ce que peuvent penser les autres, j'ai suffisamment à faire de m'occuper de moi, surtout maintenant que j'attend notre 2nd enfant.

Le bébé saura qu'il ou elle sera  le deuxième, j'espère que j'arriverai a être à la hauteur et de ne pas lui mettre un poids sur ces épaules, ne pas le couver, ne pas le laisser vivre de peur qu'il lui arrive quelque chose, mais bon essayons de vivre chaque jour à la fois, mais j'attends ma troisième échographie avec impatience, la peur au ventre, je ne lui fais déjà pas vivre le plein bonheur comme Amandine a pu avoir.

Mais j'arrive à comparer mes 2 grossesses, je m'y force un peu car la première compte comme la deuxième et les suivantes.

Tout les matins au réveil je mets mon masque de femme normale, souriante, et répondant oui à la question : ça va ? Alors qu’au fond le bonheur d'avant n'a rien à envier au bonheur d'aujourd'hui ni celui de demain, car le bonheur d'hier était sans cicatrices et sans blessures, complètement blanc, mais il y en aura d'autres un peu plus fragilisés. J'ai énormément de mal à décrire ce que je ressens.

Je souhaite bon courage à toutes les personnes comme moi et battez-vous vous-même si le mur devant vous vous paraît  insurmontable, poussez le dans un premier temps.

 

Encore merci de créer des sites comme le vôtre, ça fait du bien de lire d'autres témoignages.

 

 

Betty, avril 2004

 

 

 

 

 

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