A toi, mon coeur, mon ange

 

 

J’ai emmené ma fille à l’hôpital. Au départ, je ne me faisais pas de souci, ma société est prévenue que j’arriverai en retard et maintenant, maintenant je crains le pire...

Je regarde ma fille, elle me regarde, nous n’osons nous parler.

Je ne comprends pas ce qui se passe, les sage-femmes sont parties chercher le gynécologue de garde.

Elles nous ont dit que leur appareil d’échographie mobile marchait mal.

L’angoisse m’a pris à la gorge, que se passe t’il ? Le cœur d'Océane est si dur à trouver ?

Mais ce n’est pas possible ! Un cœur est toujours visible ! Toujours !

Le médecin arrive… De nouveau ce silence... Lourd...Pesant...

La tension est palpable. Rien n’apparaît sur l’écran… Que se passe t-il ?

Je crois avoir compris, je prend la sage-femme qui nous a accueillis par la manche, l’emmène dans la pièce à côté et je lui pose la question de savoir si j’ai bien compris, compris cette image, cette image d’un thorax où plus rien ne bat, ce thorax noir, ce thorax où avant, quand ce cœur battait, apparaissait du blanc, du mouvement

Elle me répond que ouï, j’ai bien interprété cette image…, c’est fini.

Le ciel vient de me tomber sur la tête, je ne sais plus où je suis, qui je suis...

Je regarde ma fille, ma fille qui portait la vie et maintenant…. Maintenant, comment lui annoncer ce qui se passe ?

 

Ce n’est pas possible, personne ne nous a dit que cela pouvait arriver, ce n’est pas médiatisé, le médecin et les sage-femmes nous mentent...

 

Quand on nous laisse seul pour préparer une chambre. J’essaie de stimuler Océane, j’essaie même si je chante faux, de chanter "dessine moi un mouton" de Mylène Farmer, chanson qui la faisait réagir a chaque fois qu’elle l’entendait.

J’essaie, j’essaie mais en pure perte... Tout mes efforts sont vains... Pourquoi ?!?

C’est fini, Océane ne réagit pas, ne réagit plus. Pourquoi ? Pourquoi ?

 

Je préviens ma société, ma famille, comment le dire ? comment le dire alors que je pleure, que je hoquette au téléphone, l’émotion et la douleur sont les plus forts, je n’en peux plus, j’étouffe...

A chaque fois que je l’annonce, ma voix se brise, je pleure, je ne peux me contrôler.

Ma fille est à côté de moi, elle me regarde, elle me regarde avec un air triste, perdu, un air qui est comme le mien, comme elle me dira plus tard, perdu, évasif... Où tous les sentiments et les expressions se lisent à la fois...

Je ne peux rien faire, rien faire sinon la soutenir, rester à côté d’elle pour la soutenir, la réconforter...

 

Toute la journée, je reste à côté d’elle, sauf de 12h à 13h pendant  qu’elle dort.

Je dois prendre des vêtements pour Océane. Des vêtements pour l’habiller, des vêtements qui devaient être des habits de joie et qui maintenant deviennent des habits de douleurs.

A mon retour, ma fille dort toujours, merci les sédatifs, moi je ne le peux pas... Je vis un cauchemar, je vais me réveiller... Me réveiller...

Quand elle se réveille, elle me regarde et comprend que non, ce n’est pas un mauvais rêve, c’est la réalité.

Je passe le reste de la journée avec elle, à côté d’elle, c’est ma fille !

 

Arrive le moment de l’accouchement, je me tourne vers le visage de ma fille, je ne veux pas voir ce qui ce passe derrière moi, son intimité...

Je lui souris, elle me sourit.

Pourtant nous savons qu'Océane n’est plus.

Elle me serre la main, le pouce, vas-y ma chérie serre. La douleur que j’ai en moi est plus forte que les torsions que tu fais à ma main. Si en me la cassant, cela aurait pu ramener Océane à la vie, c’est avec plaisir que je me serais laissé faire...

 

En même temps, mes pensées volent, retournent au 09 juin 2006, quand ma fille m’avait annoncé sa grossesse, le départ de son ex, elle se retrouvait seule, sans travail et chez moi…

Ce jour là, je m’étais retenu de ne pas lui mettre une « raclée ».... Une bonne raclée...

Mon Dieu, que ce jour me semble loin...

Maintenant, je suis en train de vivre le départ définitif d'Océane, Océane qui m’a marquée, qui a fait des ravages dans mon cœur... Océane qui m’a encore plus marquée que la venue au monde de mes propres enfants... Océane !! Reviens, je t’aime ! Je t’aime… !

 

Quand elle apparaît, je la regarde, je la regarde comme si elle allait revenir à la vie par ma propre volonté, je veux qu’elle revienne à la vie... Je le veux tellement...

Mais je sais que, malheureusement, c’est fini, il ne me reste plus qu’à respecter la volonté de ma fille, prendre des photos, qu’il nous reste une trace visible d'Océane, Océane qui a existé, qui existe encore et existera toujours dans mon cœur…

Je sais, en prenant ces photos, que mes parents sont contre, que ma famille est contre… Ma famille qui me l’a déconseillé...

Mais je m’en fous, je suis à côté d'Océane, je la regarde et je continue de prendre des photos. Quand je prend Océane dans mes bras, je la serre contre moi, comme si la chaleur de mon corps allais la faire revenir à la vie, j’y crois mais je sais qu’en même temps ce n’est pas possible, je la serre contre moi, je lui embrasse le front, le bout de son nez, je lui faisais tous les bisous que je ne pourrai plus lui faire qu’en elle ne sera plus là, quand elle sera sous terre, plein de bisous en sachant qu’il n’y en aura jamais assez, jamais assez...

 

Ma fille veut que je dorme avec elle, le service n’est pas contre mais ne peut fournir un autre lit. Ce n’est pas grave, je dors dans un fauteuil inclinable avec un drap et une couverture, mais je suis à côté de ma fille. J’y resterai jusqu’au samedi soir 21h30, heure à laquelle nous repartons du centre hospitalier.

A la sage-femme qui nous dit au revoir et bonne chance, je réponds, la voix étranglée «  Merci, mais j’aurais préféré que nous repartions tous ensemble et là, nous laissons un tiers de notre famille ici… »

 

Nous avons enterré Océane le vendredi 19 janvier. Je suis allé la voir toute la semaine, je continuais de prendre des photos, de lui faire des bisous.

Toute la semaine, entre le décès et l’enterrement ce fut une succession de formalités et de bagarre, bagarre contre ma famille qui souhaitait un enterrement rapide sans cérémonie, et juste les grands-parents pour l’inhumation.

Je me suis battu contre leur volonté, Océane a eu la cérémonie que souhaitait ma fille, simple et émouvante, forte en émotion… très forte...

 

Je me suis battu contre eux et je ne le regrette pas. Je continue à me battre contre eux, contre eux qui veulent que l’on oublie Océane, que l’on n'en parle plus... Mais je continue de me battre car Océane existe et ne mérite pas d’être oubliée, elle ne le mérite pas...

 

Océane, ma chérie, mon cœur mon ange, repose en paix.

Mon cœur, mon ange, tu as marqué mon cœur à jamais.

 

 

Hervé, mars 2007

 

 

Voir le témoignage de Nadine, maman d'Océane : anib13.gif "Océane, mon coeur, mon ange, je t'aime"

Voir les lettres : anib13.gif "Lettres à Océane"

 

 

 

 

 

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