Axel, notre tout petit
Axel, août 2003
Célia ma puce avait trois et demi à ce moment-là... Son père me quitte lorsqu’elle a 7 mois je retourne chez papa-maman... Nouvelle vie, dépression (hôpital psy, j'étais trop mal)... La pente remontée, je trouve un boulot, découvre le net et rencontre l'amour de ma vie, mon doudou, sur un site de rencontre... Quelques mois après, on s'installe ensemble...
Un peu plus d'un an après, on décide de faire un bébé. Je suis enceinte aux alentours de Noël 2002. Bébé sera pour septembre 2003...
Après un début de suivi pas trop sympa avec le gynécologue, je me décide à
franchir le pas et rencontre MA sage-femme pour faire un accouchement à domicile... SUPER JE L'ADORE !
Mois de mai, échographie morphologique, c'est un garçon
j'en étais sûre, je dis même un « Chouette
! » de bonheur, ce sera donc Axel, seul prénom
qui nous parlait depuis le début de la grossesse...
Le reste : le pied... Tout va bien... Monsieur est un coquinou très
tonique, papa et lui jouent à "suis mon doigt !", la grande sœur fait des bisous, raconte des histoires et chante des chansons pour son
petit frère...
Et maman a chaud, chaud mais bon c'est pas la seule !
Célia part chez papa...
On est mi-août. Tout va bien j'ai bien des contractions mais rien d'alarmant... on fait cool alors...
Puis voilà un soir comme les autres... le 19 août… Après demain, j’en serais à huit mois de grossesse entiers. Des contractions, mais purée elles font mal tout de même...
Je me calme, je tente de me relaxer, de respirer bien, de minuter. Mince, je n'arrive pas à minuter, impossible de dire quand ça commence et quand ça finit...
Assise en tailleur sur une serviette de bain dans mon salon... Et d'un coup, je sens un liquide chaud... Poche des eaux ? Pas grave, j'en suis à huit mois dans deux jours, non un jour (il est deux heures du matin, donc le 20 !). Mais quand je regarde... horreur : c'est du SANG !
Je suis très mal, je vais aux toilettes, on est affolé tous les deux, je perds un truc bizarre, je crois que c'est le bouchon muqueux, et je me calme... Mais bon, j'ai toujours aussi mal. Greg s'affole. Il a peur et impossible de joindre ma sage-femme... On se décide et on va à la clinique où on a fait les échos... (surtout que la maman de mon amour travaille là-bas et qu'elle est là cette nuit).
Arrivé aux urgences, on nous envoie à la maternité...
Mal, mal, mal, mais sereine bizarrement...
On montre le « truc » à la sage-femme. Elle nous dit que ce n'est pas le bouchon mais un caillot de sang... Ouf pas cool, pas bon ça ! Elle n'a pas l'air rassurée de voir ça et de voir mon pantalon tâché de sang (les saignements ont repris).
Elle m'installe sur la table, Greg est à côté de moi… Elle allume le "truc" pour écouter le cœur de bébé... Elle le passe sur mon ventre...
SILENCE, RIEN, LE VIDE, RIEN, RIEN, RIEN…
Comme un écho... Elle cherche, je sais, je sais mais ne veux pas croire...
Elle est allée chercher le gynéco, celui-là même qui a fait les échos, il est super. Il arrive, on amène la machine à écho...
Il est là en face de moi, l'écran est tourné vers lui, je ne vois rien... Greg est à
côté de mon épaule... La sage-femme à côté du gygy et de moi...
Il regarde, il cherche : pas de son... Je vois son visage que je
regarde à l'affût du moindre sourire, de la moindre lueur d'espoir qui ne viendra jamais... Je lui dis : « Il ne respire plus hein ? Il ne respire plus ? » Dans une plainte...
Et là, il me dit très calme, très doucement, très respectueusement presque : « Non madame, il ne respire plus... »
OH MON DIEU ! J'HURLE, JE PLEURE, JE CHERCHE LE REGARD DE GREG QUI
EST AUSSI MALHEUREUX QUE MOI, AUSSI DESESPERE...
Je regarde de la sage-femme aussi qui me tient les mains, qui cherche à
m'apaiser, un regard plein de compassion... Merci...
Après, on me dira que je n'ai pas tant hurlé, que je ne me
suis pas tant débattue... Pourtant, j'ai eu l'impression d'exploser littéralement...
Et puis, le calme, une chape de plombe, le vide, plus rien, comme morte
au fond...
Donc, lorsque j’ai réussi à me calmer un peu, j’ai demandé au gynéco: « Et maintenant ? »
« Et bien, maintenant, il va falloir le mettre au monde ce petit, vous allez accoucher. »
Ce qui est bien, c’est que, pas un instant, il n’a parlé de faire
une césarienne. Je n’aurais pas eu envie, mais bon, c’est bien de pas avoir suggéré ça… Et puis l’accouchement était
déclenché de toute façon.
Donc, ils m’ont amenée en salle d’accouchement et m’ont fait passer
sur la table... Je ne sais plus quelle heure il était, vers trois heures du matin je crois… Ils m’ont passé la péridurale, les perfusions
et la transfusion car j’avais perdu beaucoup de sang…
Et là, a commencé l’attente, le monitoring n’enregistrait
que mes contractions et moi je ne le regardais même pas…
Ce temps nous a permis de réfléchir à ce qu’on voulait
pour Axel... Ses autres prénoms... Ange et Jean (mon grand-père que j’aimais tant), les habits qu’il porterait, un petit cercueil blanc... C’est terrible de parler de ça, mais ça nous a aidé
d’avoir ce temps pour se préparer à rencontrer notre petit. La sage-femme qui avait vu la nouvelle en premier nous a accompagnés toute
la nuit. MERCI.
C’est là que j’ai demandé qu’on me pose mon petit garçon
sur le ventre quand il serait là…
Puis la péridurale s’atténuant peu à peu ,j’ai senti
que ça y était... Il devait être vers 9 heures moins le quart à peu près…
Ils m’ont demandé de mettre mes pieds sur les étriers... Moi
qui voulais un accouchement à domiciel…
Je pense que ç'aurait été plus facile s'ils m'avaient
laissé bouger. Je ne voulais pas les mettre mes pieds dans leurs "foutus" étriers, et pas parce que je ne voulais pas laisser partir
Axel, mais je n’ai pas eu le choix et j'étais trop faible trop bouleversée pour me battre... Et je crois qu'ils ne comprenaient pas mes raisons.
Je le sentais bien, mon petit bonhomme, sa petite tête s’engager vers
la lumière… Il était là et il fallait pousser. Alors, j'ai poussé de toutes mes forces car j'avais tellement envie de le serrer
contre moi fort fort et de lui dire : "Je t'aime", de voir le visage de mon petit garçon, de l'admirer. C'est fou, je ne m'en souvenais
pas jusqu'à ce que je l'écrive à Youyout... Je ne me souvenais pas avoir eu tellement tellement envie de le serrer fort, fort contre
moi de l'embrasser et c'est pour ça que j'ai poussé fort très fort pour le serrer bien vite contre moi...
Mais allongée comme j'étais, Axel n'étant pas tonique
comme un bébé vivant et bien qu'au début il était bien engagé, il s'est tourné et s'est présenté
par l'épaule... Et là, tout a basculé ; Déjà que mon rythme cardiaque n’était pas folichon (enfin, il paraît,
moi, je me sentais la force, l'envie de pousser). Le gynéco m'a parlé de faire une "anesthésie flash" ; Il disait que ça
ne durerait que quelles minutes à peine. Je disais : "Non,
non, non je ne veux pas." J'avais envie de me redresser, de
me mettre accroupie pour aider mon ange à venir. Mais bon, j'avais perdu énormément de sang, j'étais sous perfusion et transfusion...
Et retour.
Greg qui se penche sur moi ; Greg qui me dit des trucs que je ne
comprends pas et mon ventre est vide je le sens bien, il est si vide... Maintenant, je crois avoir un soupçon de souvenir du moment où ils
ont posé mon fils sur le ventre (au moins ils ont respecté mon choix, mon désir pour ça) ; C'est presque comme si j'en avais
gardé une sorte de trace. Mais à ce moment là, il n'y avait rien.
Greg qui me dit que ça fait plusieurs jours ; Je n'ai pas bien compris
au début, j'ai cru que ça faisait plusieurs jours qu'il était sorti de moi, alors qu'il voulait dire que ça faisait deux, trois
jours qu'il était décédé en moi (c'est
si dur de me dire que je ne l'ai pas senti, ou que si : j'ai senti un truc de grosses contractions mais bon, comme elles s'étaient calmées...)
Et donc, encore toute "shootée" comme je l'étais,
voilà qu'on m'amène mon petit bonhomme. Je l'ai appelé comme ça : "Oh mon petit bonhomme, mon tout petit bonhomme."
La sage-femme a posé Axel à coté de moi... Elle était arrivée avec, dans ses bras, un petit paquet entouré d'une
couverture blanche je crois. Elle le tenait tout délicatement et je crois bien qu'elle le regardait.
Puis Greg est venu se serrer contre moi et elle a posé notre fils
entre nous deux... Il était là, un peu abîmé (mais on m'avait prévenue avant) mais si peu... Il avait un joli nez tout
rond, des petites lèvres bien dessinées et de si jolies mains que je lui ai tenues et caressées tout doucement, et j'ai aussi caressé
sa joue toute douce du dos de mon doigt, tout doucement en lui disant : « Je t’aime mon petit bonhomme. »
Je ne sais pas combien de temps ça a duré, trop court pour moi en tout cas. Pourtant, le temps était comme suspendu. Après,
je ne sais pas comment je me suis retrouvée dans le couloir direction la salle de réveil, je ne sais pas comment. Je sais juste que je lui
ai dit «: Au revoir mon tout petit. » Au revoir et pas "adieu", pourtant adieu ça
veut dire : "On se reverra auprès de Dieu". Je suis montée en chambre en fin de journée. Greg m'a dit qu'ils allaient venir
le chercher dans la soirée s’ils n'étaient pas déjà venus le chercher, que la clinique ne pouvait pas le garder plus parce
que ça faisait plusieurs jours qu'il était décédé.
Ils l'ont enterré le surlendemain (le 22 août) et je n'ai pas
pu y aller. C'était très dur, surtout que la clinique est juste à côté du cimetière. Alors, ils ont tous amené
mon fils au cimetière, Greg et notre famille.
Et moi, je n'ai même pas pu accompagner mon enfant dans son dernier voyage.
Sandra, le 22 août 2003
email : serres.sandra@wanadoo.fr
Voir le poème
"Mon doux, mon tendre, mon tout petit"
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