C'était mon enfant... même à 13 SA... c'était mon petit prince ou ma petite princesse
Témoignage de Georgia (Chacha)
IMG à 13 sa + 3 jours pour cause d’exencéphalie
Présentation
J’ai 28 ans et mon souhait le plus cher est d’être maman depuis mon adolescence.
En 2001, je commence les essais pour avoir cet enfant tant désiré.
Il s’avère que les essais ne sont pas concluants et je commence à passer divers examens.
J’ai des soucis d’infertilité et sans traitement, je ne peux tomber enceinte….
Je tombe enceinte une première fois en 2002 et je fais une fausse couche à 7 SA.
En novembre 2005, j’apprends que je suis enceinte de « mon bébé miracle ».
On a enfin trouvé les bons dosages pour pouvoir commencer l’aventure de la grossesse.
Je stresse, après 7 SA, je respire enfin, le cœur de bébé bat, tout va bien, je suis sereine et me projette avec ce bébé.
Avant l’IMG : annonce de la mauvaise nouvelle
Je fais ma déclaration de grossesse et j’ai rendez-vous le 14 janvier 2006 pour l’échographie officielle.
Les fêtes sont passées, nous en avons profité pour annoncer la merveilleuse nouvelle.
Durant l’échographie, la gynéco ne dit pas un mot et je trouve cela bizarre, je me dis qu’elle regarde si tout est bon avant de me parler…
Elle semble très concentrée et dit : « Quelque chose me gène, il y a un soucis au niveau du cerveau. »
Elle me dit qu’il faut que je passe une échographie chez une collègue pour prendre les mesures…
Je lui demande juste : « Si les mesures ne sont pas bonnes, que va t’il se passer ? » Elle me répond : « Il faudra interrompre la grossesse. »
Elle prend le rendez-vous pour le lendemain, je suis sonnée, pas plus d’explication sur ce qu’il se passe, je reprends le volant paniquée totalement.
J’appelle mon compagnon pour lui dire qu’il y a un souci….
Nous passons une nuit affreuse à nous poser des questions, à supplier que ce bébé tant désiré soit épargné…
Nous faisons l’échographie, la dame prend ses mesures, je regarde mon bébé sur l’écran et je le vois pour la première fois, j’ai peur et je suis émue.
Il a des bras, des mains, des jambes, des pieds et un cœur qui bat, il semble bien…
Je me dis en moi-même : "Tout à l’air d’être à sa place, il va bien, c’est une erreur."
Je me rhabille et elle nous confirme que notre bébé n’est pas viable…que mon conjoint est moi n’y sommes pour rien, « C’est la faute à pas de chance », ce n’est pas un soucis génétique.
Le monde s’écroule, le temps s’arrête, je ne peux y croire, ce n’est pas possible.
Cinq ans que j’attends ce bébé, et il faut interrompre la grossesse.
Le personnel du cabinet est très prévenant, on nous emmène dans une salle pour être seuls, le temps que l’on contacte ma gynéco et que l’on fasse le dossier.
Pendant ce temps, je m’effondre, mon conjoint essaye de me rassurer, de me consoler…
On est samedi, c’est le week-end, je dois attendre lundi…
L’attente
Nous repartons, nous sommes sonnés.
Il faut prévenir la famille, je suis dans l’incapacité de parler, je fini par y arriver…
J’ai un sentiment d’injustice, j’en veux à la terre entière, « la faute à pas de chance », terme employé par les médecins qui résonne dans ma tête.
Avoir un bébé qui ne sera pas viable en moi est insupportable, je dois attendre lundi pour savoir quand je serai prise en charge, je ne sais rien…comment cela va se passer, ce qui m’attend…je n’ai jamais été à l’hôpital, je suis terrorisée…
Je ne supporte pas d’avoir à attendre, je ne supporte plus mon ventre…en même temps, je parle à mon bébé afin de lui faire mes adieux.
Lundi arrive, la gynéco ne peut pas joindre le généticien, je repart bredouille, sans plus d’information.
Le mardi matin, j’ai finalement rendez-vous.
Le stress est très fort, je commence à avoir un fou rire nerveux.
Le généticien nous explique que le bébé n’est pas viable, que « c’est la faute à pas de chance », ce n’est pas génétique… Il emploi des termes et je ne comprends rien, je le fais répéter.
C’est un professeur, il propose que l’on vienne le revoir dans deux mois pour refaire le point et pour nous dire avec le recul que nous n’y sommes pour rien… Il donne son accord pour l’interruption médicale…
Nous repartons dans le couloir, nous attendons la psychologue et l’obstétricien…
Prise en charge de la psychologue et de l’obstétricien avant l’IMG :
Nous sommes accueillis par l’obstétricien et la psychologue très chaleureusement..
L’obstétricien nous explique à son tour que nous n’y sommes pour rien, on l’a bien compris…
La psychologue nous regarde avec un air abattu, elle m’agace…
J’ai peur… On m’explique que je vais être endormie, que je ne verrai rien.
Je précise que je suis à 13 SA + 2 jours.
Visiblement, avec le recul, je me rends compte et en me remémorant les paroles de la gynéco, je suis encore dans le cadre de l’IVG, une véritable horreur.
Je ne veux pas rentrer dans les détails, je ne veux pas savoir comment on va tuer mon bébé que j’aime tant. Je ne verse plus une larme, seule la peur effroyable d’aller au bloc me hante…
On m’explique que je vais avoir une perfusion, que je serai à l’hôpital pour la journée.
On me propose d’emblée des anti-dépresseurs car j’ai fait, deux ans auparavant, une déprime.
Je refuse catégoriquement, j’estime que pour l’instant, ma peine est totalement justifiée.
J’ai appris à me connaître et à savoir quand il faut demander de l’aide.
La psychologue insiste sur le fait de consulter un psy, je lui explique donc que j’ai été suivie durant 6 mois suite à ma déprime, que je sais que cela m’a fait beaucoup de bien et que si j’en éprouve le besoin, je n’hésiterai pas.
A ce moment là, je suis très nerveuse, on nous demande si nous communiquons bien mon conjoint et moi.
L’obstétricien nous demande si nous voulons savoir ce que deviendra notre bébé…
Je lui dit oui, que je n’osais pas le demander, que je n’arrive pas à penser, je ne suis pas en état de réfléchir, de poser des questions, c’est trop tôt.
Je crois qu’il est important de dire aux parents qu’il ne faut pas hésiter à poser des questions, même si celles-ci paraissent morbides ou autre…
Il faudrait que le personnel insiste sur le fait de poser des questions afin que les parents aient toutes les cartes en mains.
J’apprends que mon bébé sera incinéré et que ses cendres seront à tel cimetière.
On me remet un livret élaboré par la psychologue et l’obstétricien et on me dit de ne pas hésiter à les contacter par la suite, après l’IMG.
On me dit que beaucoup de choses ne me concernent pas dans le livret car je suis dans le premier trimestre de grossesse.
Le rendez vous est fixé pour le lendemain matin à 9 heures.
(à ce moment précis, je ne sais pas que j’ai d’autres possibilités concernant le déroulement de l’IMG, que j’aurai pu avoir un accouchement, j’y reviendrai plus tard)
Le jour J de l’IMG
J’arrive à 9 heures, l’obstétricien la veille a fait preuve de tellement d’humanité que je suis plus détendu malgré la peur et le dégoût de ce qu’il va se passer.
On me prépare, je suis dans une salle et j’attends, on me donne un anxiolytique…
Je ne cesse de pleurer.
A ce moment, une aide-soignante vient me voir et reste avec moi jusqu’à ce que l’on m’emmène au bloc (environ 2 heures d’attente), elle est merveilleuse, me rassure, me dit que c’est le mieux pour moi…elle me dit de pleurer autant que je le peux…
Je dis encore au revoir à mon bébé.
J’arrive au bloc, je fais une crise d’angoisse, on me parle, une femme me tutoie et m’explique ce qu’il se passe… Le fait de me tutoyer, je suis surprise et cela me rassure. Elle me tient la main et je m’endors.
Je tiens quand même à dire que dans la salle d’attente avant que j’aille au bloc, par manque de place, on a l’indélicatesse de mettre à côté de moi une femme qui attend son tour pour une césarienne… Je m’effondre quand je la vois et elle, elle ne sait plus quoi dire…
En salle de réveil, je pleure à nouveau et une infirmière passe dans la salle avec un nouveau-né, je suis horrifiée par ce manque de tact…
En salle déambulatoire, l’obstétricien vient me voir, me prescrit la pilule, me parle de l’éventualité de prendre de l’acide follique par la suite…
Il me dit que tout s’est bien passé à son niveau, que tout va bien…
Après l’IMG
Je suis totalement épuisée, je dors, je pleure, je dors…
Tout est fini, je me sens vide, je pleure mon bébé.
Et là, je commence à me poser 10 000 questions, je cherche sur internet des réponses, mon bébé a-t-il souffert ?
A quoi il peut ressembler à 13 SA+ 3 jours…
Une amie me donne le lien du forum d’IMG sur un site internet.
Je me sens enfin comprise et je peux parler de tout, poser mes questions.
J’apprends que les autres mamans ayant subi une IMG au même stade de grossesse que moi, ont mis au monde leur enfant et ont pu lui dire au revoir.
Je suis révoltée, scandalisée.
L’obstétricien ne m’a jamais parlé de cette éventualité.
Je pense que le personnel à cru bien faire en voulant m’épargner des souffrances mais ce n’était pas à eux de décider pour nous.
Ils m’ont privé de mon rôle de maman, je n’ai pas mis au monde mon enfant, je ne l’ai pas vu, je ne lui ai pas dit au revoir…
Cela m’obsède, je ne peux pas faire mon deuil correctement.
J’appends aussi que l’on peut savoir le sexe de notre enfant. Moi, je ne sais rien…
Jamais, on ne m’a parlé de mon enfant.
Je culpabilise au maximum, je me dis que j’aurai du demander pour l’accouchement mais je ne savais pas…J’ai lu le livret mais je me suis dis que si l’obstétricien ne m’a pas proposé d’accoucher, c’est parce que ce n’est pas possible à mon stade de grossesse.
Et maintenant, j’apprends l’inverse, toutes les mamans du forum qui sont à 13 SA ont mis au monde leur enfant…
Je suis anéantie…
Je ne peux pas revenir en arrière…
C’est la pire des choses que l’on puisse faire à une maman dans ce cas…
On peut penser que ma réaction est démesurée vu le stade de ma grossesse mais comme dit mon ostéopathe, cela fait 5 ans que j’ai des traitements, que j’essaie d’avoir ce bébé, donc ma souffrance est réelle, il faut que je fasse un travail de deuil.
Comment faire un travail de deuil quand on apprend que le personnel médical ne nous a pas donné toutes les informations nécessaires ? Nous n’avions pas toutes les cartes en mains pour pouvoir faire nos choix et vivre au mieux par la suite cette étape si douloureuse qu’est l’IMG…
L’IMG, pour chaque maman est un geste très culpabilisant. Sur le point psychique, nous « tuons » notre bébé, nous mettons fin à ses jours et c’est très dur à assumer…
On ne se remet pas….
Je ne sais même pas si une autopsie a été effectuée, car visiblement, ils ont considéré « mon cas » comme une IVG. ; Je n’en ai pas la certitude mais c’est l’impression et le ressenti que j’ai…
Aucune information ne nous a été donnée..
Il est vrai qu'avant l’IMG, l’obstétricien était à notre disposition pour répondre à nos interrogations mais le problème, c’est que des parents sous le choc de la nouvelle, qui n’ont jamais été confrontés à ce problème ne savent pas comment cela se passe, ils ne savent pas quelles questions il faut poser…
C’est après le cauchemar de l’intervention que l’on commence à cogiter et à se demander ce qu’il s’est passé.
Il est donc inadmissible à mes yeux que l’on ne m’ai pas proposé un accouchement…
J’ai fait la demande de mon dossier médical, je veux voir les termes exacts qui sont inscrits concernant la malformation de mon bébé car on m’a parlé d’une acranie puis sur les échos, il est écrit exencphalie et je ne sais pas ce qu’il en est exactement.
Je veux savoir si une autopsie a été faite ou non, s'il est inscrit que mon bébé était un garçon ou une fille, s'il y a eu des photos .
Il est dit sur le livret d’IMG qu'avant 22 semaines, une autopsie est faite obligatoirement…
Mais vu que j’ai eu une aspiration, je ne sais pas si une autopsie a été faite, je ne sais rien, c’est le vide et cela m’empêche d’avancer, de faire mon deuil…
Pour évacuer, je me défoule sur mon blog et je suis très entourée par les mamanges d'un forum internet qui est précieux quand on est dans une telle tristesse…
Le sujet d’IMG semble si tabou, personne ne parle, ne prononce les véritables mots.
Alors que nous avons besoin de parler de notre enfant perdu pour faire le deuil , de savoir qu’il a existé, il ne faut pas nier son existence et changer de sujet…
A ce jour, cela fait un mois que j’ai subi mon IMG, j’ai fait la demande de dossier que je n’ai pas encore reçu.
Je n’ai donc pas encore les réponses à mes questions.
J’attends d’avoir mon dossier et ensuite, j’irai voir l’obstétricien et la psychologue pour leur dire à quel point c’est inadmissible de m’avoir privé de mon rôle de maman, mais aussi pour ne pas qu’ils recommencent la même erreur avec d’autres parents…
Une fois cela effectué, je pense que je pourrai me tourner vers l’avenir mais pas avant.
Il est très difficile de parler de l’IMG, de cet enfant perdu, que ce soit avec l’entourage, la société, et même son conjoint.
Je n’ai pas vécu l’accouchement, ni la déclaration à l’état civil d’un enfant mort-né , ni des funérailles mais une fois, j’ai épaulée une maman qui a vécu ce drame…
Il faut que le personnel prenne le maximum de souvenirs pour les parents.
Ceux-ci ne sont pas toujours en état de penser, ou d’accepter de voir leur enfants mais plus tard, pour faire le deuil, ils auront besoin d’avoir des souvenirs, qui feront que leur enfant était bien présent. Des photos, des empreintes des mains et des pieds, tout ce qui peut se raccrocher à cet enfant, le bracelet de naissance…
Nous avons tenu à donner un prénom à notre enfant, ne connaissant pas son sexe, nous avons choisi un prénom mixte afin que ce bébé ait son identité…
C’est très important sur le plan psychologique, mon bébé s’appel Maël(le) qui veut dire « prince guerrier », car mon bébé s’est battu pour grandir malgré sa malformation.
Conclusion
En conclusion, je dirais donc qu’il est primordial pour le personnel médical d’insister auprès des parents pour informer, donner toutes les possibilités aux parents, de s’informer sur tout le processus mais aussi de former le personnel , de prendre systématiquement des photos et souvenirs auxquels les parents pourront voir accès quand ils seront prêts.
Le personnel doit parler du bébé, demander son prénom, faire en sorte avec les parents de montrer que cet enfant est important, qu’il existe et qu’il a sa place…
Nos enfants décédés ont besoin d’être reconnus.
C’est d’ailleurs un combat que certains parents mènent car il n’est possible de déclarer son enfant à l’état civil qu’à partir de 22 SA.
Faut-il être en fin de grossesse pour avoir le droit de pleurer notre enfant et de le reconnaître ?
Avant 22 SA, visiblement, ce n’est pas le cas.
Georgia, février 2006
site : http://combat-pou-timoun.over-blog.com/
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