Camille, notre petite étoile filante
Je m'appelle Karine, j'ai 26 ans et mon
petit ange devait voir le jour le 10 septembre 2006. Au lieu de quoi elle s'en est allée définitivement le 2 mai, à 22 semaines de
grossesse.
Quand j'ai appris que j'étais enceinte, entre Noël et 1er janvier, mon mari et moi étions fous de joie.
C'était notre premier bébé et nous l'attendions depuis 9 mois. Même si je savais que c'est un délai normal pour tomber
enceinte, je trouvais le temps horriblement long, d'autant plus que toutes mes amies ou collègues, qui avaient arrêté la pilule après
moi, tombaient enceinte avant moi.
Et puis le moment tant attendu est arrivé. Je l'ai senti tout de suite, avant même d'avoir un retard de règles. Mon petit ange était
enfin là !
Les premiers mois se sont déroulés sans aucun problème.
La première écho a montré un bébé dynamique en pleine forme.
Quand j'ai commencé à sentir le bébé bouger, ça a été magique. Je n'arrêtais pas de lui parler,
j'avais l'impression de déjà le connaître.
C'était un bébé qui bougeait énormément. Dès que je m'asseyais au travail (je travaille de nuit), c'était
la fiesta. Un vrai bonheur !
Et puis, environ une semaine et demi après, je n'ai quasiment plus rien senti. Même quand je me couchais, il n'y avait pas autant de mouvements
que d'habitude. Je me suis tout de suite dit qu'il y avait un problème. Quand j'en ai parlé à mon mari, il a tenté de me rassurer
et m'a dit de prendre rendez-vous avec la gynéco si j'avais vraiment un doute.
J'avais rendez-vous quelques jours plus tard, et comme je sentais encore quelques mouvements et que je n'y connaissais rien vu que c'était ma 1ère
grossesse, j'ai décidé de ne pas paniquer et d'attendre de voir la gynéco.
Et puis toutes mes collègues, même les plus expérimentées (je suis infirmière !), me répétaient que c'était
normal que je le sente un peu moins étant donné que j'étais très fatiguée à ce moment là.
Quand je suis allée chez la gynéco le jeudi 20 avril, elle m'a donné la même réponse : que c'était sûrement
dû à mon état de fatigue et qu'au début, on ne sentait pas le bébé bouger de façon régulière.
Elle a écouté le coeur, il battait bien, pas de problème. J'était à 21 SA.
Pourtant, je ne me sentais pas totalement rassurée. J'avais l'impression que quelque chose n'allait pas.
En sortant, je suis allée rejoindre une amie enceinte de 7 mois 1/2 pour aller faire les boutiques. Mon ventre ne se voyait pas encore (juste en
sous-vêtements) mais je me suis acheté un pantalon de grossesse, comme pour me rassurer.
Le week-end du 23-24 avril, nous déménagions. Tout était parfait. Nous étions dans la maison que nous venions de faire construire
et nous pensions à notre vie à 3. Nous commencions même à parler de l'aménagement de la chambre du bébé.
La semaine suivante, le vendredi 28 avril, nous avions rendez-vous pour la 2ème écho.
Il n'y avait pas de changement, je ne sentais pas plus le bébé.
Nous étions content car nous allions enfin connaître le sexe de notre bébé, mais au fond de moi, je ne pensais qu'à une
seule chose : "L'échographiste va me rassurer et me dire que tout va bien."
Quand l'écran s'est allumé, j'ai tout de suite regardé si il y avait du mouvement, mais rien.
J'ai alors regardé l'échographiste, et là, mon coeur s'est arrêté. Il nous a annoncé que le coeur ne notre bébé
ne battait plus depuis environ 1 semaine déjà, soit peu de temps après que j'ai vu la gynéco.
L'écho montrait des oedèmes cutanés, un épanchement pleural, péricardique et abdominal ainsi qu'un retard de croissance.
Il nous a alors tout de suite dirigé vers les urgences gynéco de l'hôpital.
Là-bas, nous avons attendu d'être pris en charge dans la même salle d'attente que les familles qui attendaient une naissance.
Et puis nouveau choc, alors que le monde vient de s'écrouler, on me parle de péridurale et d'accouchement. J'ai envie de hurler et de m'enfuir
en courant.
Et comble du comble, on me dit que je peux rentrer chez moi, que je reviendrai le dimanche soir pour prendre les médicaments qui vont commencer
la dilatation du col, et que je ne serai hospitalisée que le mardi soir pour être déclenchée le mercredi.
Ces quelques jours ont été horribles et les plus longs de ma vie. Pendant 3 jours, du vendredi soir au lundi soir, je suis restée
chez moi avec mon bébé mort dans mon ventre. Même si je savais que tout était déjà fini, je ne voulais pas qu'on
me l'enlève. Heureusement que j'étais bien entourée.
Finalement, ils ont avancé la date d'une journée. J'ai pris des comprimés le samedi soir et le dimanche soir pour préparer
le col.
Et le lundi 1er mai, sans un mot, nous nous sommes rendu à l'hôpital à 20h.C'est bizarre mais une fois là-bas, nous nous sentions
presque en sécurité.
On m'a posé des laminaires dans le vagin pour aider le col à se dilater.
Et le lendemain, le mardi 2 mai, on m'a emmenée en salle de naissance pour le déclenchement.
C'était affreux. Ca a duré toute la journée car le col ne voulait pas s'ouvrir (de 8h30 à 19h) et en plus j'entendais les bébés
qui naissaient dans les salles voisines.
Heureusement, la sage-femme a été formidable et nous a tout expliqué.
Vers 19h, j'ai senti mon petit ange partir. J'ai juste vu que mon bébé tenais dans un petit plateau.
Et là, nouvelle épreuve : le placenta ne s'est pas décollé, je me suis donc retrouvée au bloc pour un curetage.
Quand j'ai repris mes esprits, j'ai appris que nous venions d'avoir une petite fille mais que nous ne pouvions pas la voir car le décès remontait
à plus d'une semaine.
Je crois que c'est ce qui me manque le plus, ne pas avoir pu la voir et ne pas pouvoir mettre de visage sur ma propre fille.
Nous l'avons inscrite sur le livret de famille mais nous ne lui avons pas donné de prénom : nous n'avions pas encore choisi et mon mari ne
s'en sentait pas capable. Je me dit que nous pourrons toujours plus tard, pour nous. [1]
Heureusement que j'ai un mari formidable. Dans cette histoire, c'est lui qui a eu le plus mauvais role car je lui ai laissé la lourde tache de prévenir
mes parents puis les siens, qu'ils ne seraient pas grand-parents.
Aujourd'hui, nous essayons ne nous reconstruire.
L'autopsie n'a donné aucun résultat. Je dois passer un test de thrombophilie fin octobre pour voir si ce n'est pas un problème de
coagulation de mon sang. Nous aurons les résultats fin novembre.
Après ça, nous pourrons enfin essayer de penser à l'avenir, mais une chose est sure : comme vous toutes, je n'oublierai jamais mon
petit ange qui ma donné tant de bonheur pendant 4 mois 1/2.
Ma puce ,tu resteras toujours mon premier petit amour.
Karine, septembre 2006
[1] 30 septembre 2006
(...) Nous avons décidé d'appeler notre petit ange Camille.
Cela peut vous paraître bizarre voir peut-être, même choquant, d'avoir attendu si longtemps avant de lui donner un prénom, mais
sur le moment, c'était trop difficile, et puis le temps est passé...
Depuis que nous avons pris cette décision, tout à l'heure, je me sens plus légère, j'ai un poids en moins sur le coeur.
Quand je pense à ma puce et que je lui parle, je peux enfin l'appeler par son prénom.
J'ai l'impression de faire exister ma fille.