Fête des mères en mille morceaux

 

 

Je m'appelle Marie-Laure, je suis infirmière, j'ai moi aussi vécu l'enfer...

 

C'était en 1987, je travaillais dans un hôpital pas très loin de Chalon sur Saône... J'étais heureuse comme ce n'était pas permis, enfin j'allais être maman.

 

Mon fils est né le 24 mai 1987,

un mois avant terme,

il pesait 2 kg 980 et 49 cm.

J'étais folle de joie.

C'était mon premier né

et je pense que dans mon cœur et dans ma tête

je l'attendais depuis la nuit des temps,

même si je n'avais que 25 ans.

 

Le lendemain fût le jour le plus terrible de ma vie, il mourrait, son petit cœur mal formé avait cessé de battre. Pour quoi et pourquoi étaient les seules questions qui hantaient mon esprit...

 

Et même si l'année qui suivit, la présence de Johann puis 2 ans plus tard celle de Benjamin sont venues illuminer ma vie, je sais que jusqu'à la fin de ma vie mon Stéphan me manquera éternellement.

 

Je suis restée un an dans le brouillard, à me dire que je faisais un méchant cauchemar mais que j'allais me réveiller et qu'il serait à mes côtés... Vivante parmi les vivants mais morte à l'intérieur... Qui voyait ma détresse ? Qui était capable de la comprendre ? Personne... Mes collègues pourtant infirmières me disaient : "Tu es jeune et tu en auras d'autres..." Dit on cela à la jeune mariée qui, au lendemain de son mariage, a perdu son bien-aimé ? Plus encore que la douleur d'avoir perdu mon fils, je vivais la douleur de voir minimiser son décès...

 

Les années ont passées, Stéphan serait majeur... Qui se rend encore sur sa petite tombe désormais ? Qui me parle de lui ?

Personne, voire si peu... J'ai vécu sa mort dans la solitude et je continue à le garder ainsi blotti dans mon cœur... Je me pose parfois la question qui serait-il ? Aurait-il passé son bac cette année ? Aurait-il eu son permis ? Aurait-il aimé comme moi la photo ? Serait-il sportif ? Son adolescence m'aurait-elle fait chavirer le cœur ? 

Personne à qui poser ces questions sans réponse...

Ils seront tous obligés de se rendre compte de l'importance que mon premier né avait pour moi, mes enfants sont au courant, sur mon testament est écrit que mes cendres après ma mort seront déposées sur sa tombe à lui...

 

J'ai quitté, au lendemain de sa mort, le milieu hospitalier qui m'a déçue, terriblement déçue, je suis toujours infirmière mais en entreprise.

Aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de me remémorer tout cela en écoutant une de mes jeunes collègues qui est passée par là. Je cherchais les liens Internet que j'avais gardés dans mes favoris  pour elle et voilà tout remonte à la surface...

 

Demain, mon plus jeune fils aura 15 ans, que le temps passe vite. La nostalgie me gagne....

J'ai perdu 10 ans de ma vie à pleurer son grand frère tout en faisant bonne figure, mais quand le masque tombe c'est un abîme qui s'ouvre. Au bout de 10 ans, le papa de mes enfants et moi même avons pris chacun un autre chemin... J'ai réagi en me disant, lors de cette séparation, que si Stéphan est quelque part cette étoile dans le ciel, je devais lui gâcher son paradis à être ainsi si éplorée... Depuis je pense que la cicatrisation de cette blessure a pris le chemin de la guérison... J'aime à nouveau la vie et je ne la subis plus...

 

Mon Dieu, qu'il est long parfois le temps du deuil....

 

 

Marie-Laure, Bourg en Bresse, novembre 2005

 

 

 

 

 

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