J'ai su que j'étais enceinte en septembre 1992, mon bébé devait naître en mai 1993.

 

J'étais la maman la plus heureuse du monde, Je me sentais si bien, je posais sans cesse ma main sur mon ventre en imaginant que mon tout petit bébé y vivait déjà : QUEL BONHEUR !

 

Et puis, tout à coup je me suis mise à vomir à n'en plus finir, je ne pouvais plus rien avaler (que de l'eau que mon mari me forçait à boire). J'avais de la fièvre. Mon mari a appelé le médecin qui m'a prescrit des antibiotiques, il pensait que je faisais une gastro-entérite.

 

Au bout de trois jours, aucune amélioration, le médecin est donc revenu, il m'a à nouveau prescrit des antibiotiques.  Les jours suivants passèrent, toujours aussi mal au ventre, vomissements et diarrhées. Je restais couchée toute la journée et toute la nuit. Je ne pouvais plus me levée. Je perdais du poids : 5 kg en une semaine. Le samedi, mon mari a rappelé le médecin car mon état ne s'améliorait pas (moi, je ne me rendais plus compte de rien). Je me suis retrouvée à l'hôpital, service gynécologie. Les médecins ne trouvaient pas ce que j'avais. L'échographie de mon amour était normale.

 

J'ai eu plusieurs prises de sang, coproculture, etc... et le mardi suivant, mon gynécologue m'annonça que j'avais la salmonellose. Il s'est assis à côté de moi, et m'a expliqué que je devais être courageuse car j'allais faire une fausse couche.

 

Je passais mes journées à pleurer, mon rêve s'effondrait, j'allais perdre mon bébé que j'aimais déjà tant...

 

Je ne réussissais toujours pas à manger, car tout me donnait envie de vomir. J'étais perfusée, j'avais des antibiotiques, et d'autres médicaments contre la douleur (que j'avais du mal à ne pas vomir). Les jours passaient, j'avais toujours aussi mal au ventre. Je passais mes jours à pleurer et prier pour que mon bébé ne me quitte pas. Je lui parlais, le suppliais de survivre. Je n'osais pas imaginer le perdre, c'était inacceptable.

 

Je suis restée trois semaines hospitalisée où les jours étaient identiques. Mon gynécologue venait me voir tous les jours et me disait d'être courageuse.

 

Et puis, un dimanche, miracle, j'avais faim. Il était midi et j'avais réussi à manger la moitié d'un steak haché... j'étais contente, car je savais qu'il fallait que je mange pour mon petit trésor qui tenait bon dans mon ventre. Les jours suivants, je pouvais remanger un peu, puis ensuite normalement. J'étais à nouveau heureuse car je n'avais plus mal au ventre, mon petit cœur était toujours avec moi et mes prises de sang étaient à nouveau normales.

 

Mon gynéco parlait de miracle et m'a même dit "c'est incroyable que vous ne l'ayiez pas perdu... Il tient vraiment à vous votre bébé". Je suis sortie de l'hôpital, heureuse, confiante... Pour moi c'était sûr, il n'arriverait jamais rien à mon enfant car il avait tenu bon durant ma maladie. Il était resté avec moi, donc je n'avais plus de soucis à me faire, il ne me quitterait jamais.

 

Les mois passèrent, mon bébé grandissait tout à fait normalement, comme si je n'avais pas failli le perdre. Mon ventre s'arrondissait, j'étais si heureuse... je touchais sans cesse mon petit ventre rond, celui qui avait protégé mon bébé de la mort. Je ne vivais que pour mon enfant, je ne faisais rien sans penser à lui, du matin jusqu'au soir. Il était devenu le centre de ma vie. Le soir, je lui parlais, je le sentais me répondre par ses petits coups de pieds (il bougeait beaucoup, toute la journée et le soir).

 

Quel bonheur…

 

Fin janvier, avec mon mari, nous lui avons acheté son petit landau, bleu marine petit matelot. Je vivais un rêve.N

Nous ne voulions pas connaître le sexe de notre bébé, nous voulions avoir la surprise. Nous avions choisi les prénoms : Mathilde ou Thomas.

 

Début février, j'avais regardé le film "La petite voleuse" où une femme perdait son enfant, je me rappelle avoir pleuré pour cette femme. Je me suis réconfortée en me disant que cela ne m'arriverait pas, que mon enfant était fort.

 

Le 19 février 1993, visite chez le gynécologue : je ne savais pas pourquoi, mais je ne sentais pas bien, j'avais soudain peur de perdre mon bébé. Je voulais que mon gynécologue me fasse une échographie, mais il m'a dit que je me faisais des idées, que bébé allait bien. Je n'ai malheureusement pas insisté.

 

Le samedi 20 février, j'avais l'impression de ne plus sentir mon bébé bouger. Je n'arrivais pas à me rappeler depuis quand je ne l'avais pas senti, j'avais très peur. Le soir, au coucher, j'ai expliqué mes craintes à mon mari ; il posa sa main sur mon ventre… Et puis miracle, nous avons senti notre trésor bouger… Nous ne savions pas que ce petit coup de pied serait le dernier ressenti… Le lendemain, le cauchemar continua… Je ne le sentais pas… Je suis allée me réfugier dans les bras de ma mère. Elle me conseilla d'aller à l'hôpital. Le médecin et les sage-femmes de garde m'ont installée un monitoring. Son petit cœur battait encore, j'étais rassurée. Je ne savais pas encore qu'il était en train de se battre pour vivre, il était en train de mourir, et ils ne m'ont rien dit. Ils m'ont laissée repartir en me disant simplement que si j'avais mal au ventre, il fallait que je revienne vite… Pourquoi ces phrases ne m'ont-elle pas alertée… Pourquoi ? je suis repartie rassurée…

 

Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi : je pleurais toutes les larmes de mon corps, je ne sentais toujours pas mon petit amour. Je le suppliais de bouger… RIEN.

 

Le samedi 27 février 1993 (le matin), le désespoir me poussa jusqu'à la maternité. Je leur ai expliqué que je n'avais toujours rien ressenti… La sage-femme me posa un monitoring… Rien… Elle est allée chercher sa collègue… Nouvel essai… Rien… Je voyais le "vide" devant mes yeux… L'impression de vivre la vie d'une autre femme…

 

Mon gynécologue m'a fait une échographie… Je le regardais, il avait l'air inquiet, et au bout de quelques minutes, il m'annonça : « Il y a un grave problème, Madame… », Il me prit la main entre les deux siennes… « VOTRE BEBE EST MORT… Madame".

 

C'est à ce moment là que j'ai senti une déchirure… Ma vie venait de basculer dans la mort… Une partie de moi venait de mourir avec mon enfant.

 

Je me suis levée de la table d'auscultation, je ne voulais pas accoucher, je ne voulais laisser pas mon enfant, seul avec la mort… Je voulais m'en aller… Mon gynéco me disait d'être courageuse… Je m'en foutais de son courage… Je pleurais, le suppliais de me laisser mourir avec mon enfant… Mon mari m'entoura de tout son amour pour me raisonner, puis je me suis laissée conduire dans une chambre où une fois installée, mon accouchement fut provoqué, il était 10h30. Ma mère est ensuite venue me soutenir durant cette épreuve, elle m'a aidée à accoucher. Avec elle à mes côtés, j'avais plus de courage, elle m'a accompagnée jusqu'au bout… Merci maman… Elle m'embrassa et on a pleuré toutes les deux.

 

Et puis mes larmes ont cessé de couler… Comme si je ne réagissais plus à tout ce qui m'arrivait… Je n'étais plus moi-même…

 

A 20h30, mon bébé est né sans un cri, sans un pleur.  La sage-femme me le déposa dans les bras… Il était dans une serviette verte... En ouvrant cette serviette, j'ai découvert que bébé était un petit garçon… J'étais si heureuse de l'avoir dans mes bras… Je ne réalisais pas qu'il était mort… Pour moi, il dormait paisiblement… Ces moments passés avec lui ont été merveilleux… Je l'ai embrassé, j’ai caressé ses petites joues… Je lui parlais, lui disais que je l'aimais… Je le trouvais si beau… Si calme… Il avait une main tendue vers son visage… Je l'ai redonné à la sage-femme sans comprendre que je ne reverrai plus…


La sage-femme m'a demandé si je voulais lui donner un prénom… « Oui, Thomas » … Elle m'expliqua qu'il était préférable de garder ce nom choisi pour un enfant vivant… Je lui dis alors que je voulais l'appeler BENJAMIN.

 

C'est seulement dans la nuit de samedi à dimanche que j'ai réalisé que mon enfant était endormi pour l'éternité, que ses yeux ne se rouvriraient jamais, que sa petite bouche ne me dirait jamais : « Je t'aime aussi maman » … Que ma vie avait basculé avec la mort de mon petit Ange.

 

Mon bébé est mort depuis plus de onze années et je n'ai pas encore commencé à faire le deuil. Je vis dans la souffrance quotidienne de son absence. Cette déchirure mal vécue, ce manque de mon enfant, tout me fait souffrir… Quelquefois, je ne supporte même pas m'entendre respirer… Je le pleure encore tellement souvent… Mon Ange est dans mes pensées tous les jours. J'ai toujours l'impression de le chercher… Il me manque tellement, je n'arrive pas à envisager un avenir… Car sans lui, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue... La mort serait une délivrance pour moi… Mais je sais que je n'ai pas le droit de penser à ça car j'ai deux autres enfants, Mathilde 10 ans et Benjamin 6 ans... J'essaie de vivre pour eux... Leur cacher un maximum ma peine et mes difficultés à continuer à vivre… Je les aime, je leur apporte tout l'amour qu'une maman normale peut donner à son enfant...

 

Voici ma douleur, voici l'histoire de mon petit trésor qui repose au jardin du souvenir du cimetière Saint-Claude à Besançon... Je t'aime mon amour, un jour, nous serons heureux tous les deux…

 

Magali.

Juin 2004

 

« Gentil papillon, ouvre tes jolies ailes et va sur sa tombe lui dire que je l'aime » …

 

Voir Lettre anib13.gif "A toi, mon Ange"

 

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Deux ans avant, Magali avait envoyé ce témoignage :

 

J'ai 29 ans, je suis maman de 3 enfants dont un (mon premier bébé) est décédé à 7 mois de grossesse. Benjamin est mort-né le 27 février 1993.

 

Depuis, je ne suis plus la même. J'avais à peine plus de 19 ans et j'ai vraiment l'impression qu'une partie de ma vie, de mon cœur est morte avec mon petit ange.

 

Je me suis sentie maman le jour où j'ai su que j'attendais mon premier enfant. C'était le bonheur parfait. Je vivais pleinement ma grossesse, sans aucun souci : pour moi, il ne pouvait rien arriver à mon enfant. J'ai eu la chance de vivre une enfance et une adolescence très heureuse et je ne pensais pas que quelque de terrible m'attendait.

 

Donc comme je vous le disais, ma grossesse se passait sans problème jusqu'à ce vendredi 19 février 93 où j'avais de drôles de pressentiments : je ne sentais plus bouger mon bébé, j'ai eu très peur alors je suis allée d'urgence à la maternité. Là, une sage femme m'a fait un enregistrement des bruits du cœur de mon enfant. Il vivait, j'étais soulagée. Mais revenue à la maison, mes peurs recommençaient, je savais que mon enfant vivait mais pourtant il ne bougeait plus. Mon entourage pensait que je me faisais des idées.

 

Une semaine s'est passée. Je vivais dans l'angoisse permanente. Je rêvais toutes les nuits de mort : la mienne et celle de mon bébé. Je sentais très bien que Benjamin était en difficulté, donc je suis retournée à la maternité et.... mon gynécologue m'a dit : "il y a un grave problème, Madame, votre bébé est mort...".

 

C'est à ce moment là que ma joie et mon envie de vivre ont disparu.

 

Une sage femme, Isabelle, m'a déclenché l'accouchement. Elle a été très présente tout au long de la journée. J'ai été entourée par l'équipe soignante, cela m'a beaucoup aidée à surmonter ma peine. A 20 h 30, Benjamin est né. Isabelle me le dépose dans les bras. Je n'ai pas réalisé à ce moment qu'il est mort. J'ai l'impression qu'il dort. Il semble tellement calme. Je le serre dans mes bras l'embrasse très fort. Je le redonne à la sage-femme. JE NE REALISE PAS QUE MON ENFANT EST MORT. Je suis même heureuse de le voir après cette journée de douleur physique. Il est là je suis rassurée, il ne lui arrivera rien, ce n'est pas possible. C'est seulement dans la nuit que je réalise que je ne reverrai plus Benjamin. Je le réclame beaucoup, je pleure... pourquoi lui... pourquoi moi. Je venais de préparer sa chambre la semaine avant sa mort. Pourquoi ???

 

Aujourd'hui, neuf longues années ont passé, je suis toujours aussi malheureuse, toujours ce manque terrible malgré la présence de mes deux autres enfants. Je viens dans l'unique but de le revoir, c'est absurde, mais j'espère encore le retrouver.... à travers une association comme "l'Enfant sans nom" par exemple. Ces neuf années n'ont absolument pas atténué ma peine. Je souffre toujours autant de sa mort. 

 

Magali

 

 

 

 

 

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