Livia, née vivante, ses parents ne le savaient pas

 

 

Nos démarches pour faire inscrire Livia sur notre livret de famille.

 

Quand nous avons perdu Livia, mon mari et moi, nous n’avons posé aucune question au médecin. Nous étions totalement anéantis et perdus et notre seule préoccupation était que je sorte de l’hôpital.

 

D’ailleurs on ne nous a rien dit, pour tout le monde c’était une « fausse couche tardive » et tout ce qu’on nous a proposé, c’était d’inscrire le prénom de Livia sur son dossier médical. Nous avons accepté.

 

Presque deux ans après cet événement, nous avons désiré consulter ce dossier médical et là, nous avons appris que Livia était née vivante et qu’elle pesait 620 grammes à la naissance… Ce qui impliquait qu’aux yeux de la loi, elle était considérée comme « viable » : née au-delà de 22 semaines d’aménorrhée, vivante et avec un poids de plus de 500 grammes, et ne souffrant en outre d’aucune malformation incompatible avec la vie.

 

Abasourdis, nous avons laissé passer plusieurs mois avant de décider de tout faire pour obtenir la reconnaissance officielle de « notre première fille ».

 

Tout d’abord il nous fallait obtenir un certificat d’accouchement. Aucun papier ne m’avait été délivré !

 

Mon médecin gynécologue n’était pas contre mais elle voulait être sûre qu’elle ne se mettait pas hors-la-loi en le rédigeant.  Nous étions alors en février 2002. Je me suis renseignée sur les lois et leurs éventuelles modifications, mais en vain… Le médecin voulait que quelqu’un de « compétent » lui dise qu’elle pouvait, ou ne pouvait pas, faire ce papier.  Elle nous a conseillé de nous adresser au médiateur de la clinique, afin qu’il se renseigne auprès du juriste de la clinique et du service de l’état civil de la ville…

 

Le temps passait et rien ne bougeait, à chaque fois que je téléphonais, je devais répéter plusieurs fois notre histoire… Malheureusement, la personne de la clinique qui s’occupait des inscriptions à l’état civil des bébés ne travaillait plus à cet endroit… Et sa remplaçante ne voulait rien entendre et se moquait éperdument de nous…

 

En juin 2002, nous avons demandé de l’aide à un juriste car nous finissions par douter du bien-fondé de notre démarche… Celui-ci nous a rassurés, effectivement la loi était avec nous, il y avait eu erreur de la part de la clinique. Une nouvelle fois, nous avons fait appel à mon obstétricien qui nous a obtenu un rendez-vous avec le médiateur de la clinique. En effet, jusqu’à présent nous n’avions jamais pu franchir la barrière du bureau de sa secrétaire…

 

5 juillet 2002… Nous sommes reçus en catimini dans un tout petit bureau… Pas de juriste, personne de la mairie… Juste le médiateur, et nous… Nous lui ré-expliquons tout… Il a le dossier de Livia sous les yeux. Selon lui, l’inscription n’était absolument pas obligatoire puisque j’étais, selon le rapport d’autopsie, à 164 jours de grossesse, or lui se réfère à une loi qui porte à 180 jours le délai minimum pour procéder à l’inscription… Nous avons beau lui assurer que cette loi concerne les enfants morts-nés, il n’en démord pas de tout l’entretien… Comme il voit que nous ne vacillons pas, il tente autre chose… Selon lui, Livia souffrait de malformations. Il nous raconte qu’elle avait une alvéolite et un problème au placenta….. Heureusement mon obstétricien m’avait déjà expliqué en détails tous les résultats des analyses effectuées… Sans me démonter je lui explique que bien évidemment, ma fille avait une alvéolite puisqu’à 5 mois de grossesse ses poumons ne pouvaient pas fonctionner… et que ce n’est en aucun cas une malformation. Quant au placenta, les échanges n’étaient pas excellents mais c’est les analyses postérieures au décès qui ont permis de le découvrir. En aucun cas ce n’était une malformation devant entraîner une interruption médicale de grossesse…

 

En lisant le rapport d’autopsie, mon mari et moi découvrons soudain quelque chose d’illogique… La personne ayant réalisé les analyses a écrit que la taille du « fœtus » correspond à une gestation de 24 semaines ! Gestation et non aménorrhée ! Ce qui fait porter la grossesse à plus de 180 jours !

 

Tout ce que nous voulions, c’était que la clinique nous aide dans nos démarches. Mais, le médiateur ne pouvait s’enlever de la tête le mot « procès » qui pourtant n’a pas été prononcé une seule fois… L’entretien a tourné court quand nous lui avons dit que si nous portions l’affaire devant la presse pour que les choses bougent, cela ne ferait pas une très bonne publicité à la clinique… Il a alors rétorqué qu’il ne pouvait empêcher les gens d’être méchants ! L’entretien s’est ensuite vite terminé, d’après ses dires ce monsieur avait dans sa famille proche une dame qui avait vécu « à peu près la même chose que (moi) » mais n’avait jamais cherché à obtenir une reconnaissance… Comment aurait-il alors pu comprendre notre démarche ?

 

Finalement nous avons dû nous tourner une nouvelle fois vers mon obstétricien. Je lui ai raconté tout l’entretien et elle m’a demandé de faire une lettre où j’expliquais ce que je voulais, qu’elle transmettrait à son avocat… Moins d’une semaine plus tard, le 18 juillet, j’ai pu aller chercher mon précieux certificat d’enfant né vivant.

 

Gros choc : en fait d’enfant, il était écrit « fœtus ». En fait d’accouchement, il était écrit « expulsion »…Manifestement, tous les termes qui auraient pu faire penser à un accouchement prématuré avaient été modifiés… Heureusement c’était suffisant pour le procureur. Nous lui avons envoyé une photocopie de ce certificat et une lettre d’explications le 19 juillet... Les vacances ont retardé la réponse qui est arrivée début octobre… L’erreur allait être réparée mais il fallait passer en jugement puisque le délai légal de 3 jours était dépassé...

 

Le jugement a eu lieu le 17 janvier 2003… Bien sûr, le procureur a conclu que l’inscription de Livia à l’état civil devait se faire et qu’il ne comprenait pas pourquoi la clinique n’avait pas respecté la loi…

 

A la mi-mars 2003, nous n’avons toujours pas notre nouveau livret de famille… Les délais administratifs sont si longs… N’empêche que nous avons bien fait de nous battre, car Livia est notre première fille et nous ne pourrons jamais l’oublier.

 

 

 

 

 

arrow04a.gif Retour liste des témoignages "ils ont réussi dans leur démarches face à l'administration" - Retour liste des poèmes/lettres/récits/dessins

arrow02a.gif Retour page d'accueil