Lucas, ma douleur, ma force

 

 

 Nous étions à la mi-avril 1999.

Mon mari et moi-même étions heureux de pouvoir annoncer une merveilleuse nouvelle à nos deux grands enfants Cladie et Gabriel :

 

Nous allions avoir un bébé.

 

 

 

En effet, après des mois de traitement pour une endométriose récalcitrante qui nous donnait peu d’espoir d’avoir un troisième enfant, le miracle avait eu lieu. Les enfants étaient fous de joie : enfin un petit frère ou une petite sœur à aimer, à câliner…

Tout le monde était conscient que ce bébé serait trop gâté, mais qu’importe, il n’y a jamais trop d’amour…

 

A la première échographie, toute la famille est au rendez-vous. Il semblerait que c’est un petit garçon. Nos enfants sont émerveillés : ce petit bout fait déjà des galipettes, frotte ses yeux avec ses petites mains, suce son pouce… si petit et déjà une personne !

 

Les mois passent, on rêve ce bébé. Sera-t-il brun ou blond, allons nous l’appeler Nathanaël, Lucas ou Robin ? Mon ventre s’arrondit, le bébé bouge de plus en plus et il communique avec son frère et sa sœur, surtout le soir à 17H quand ils rentrent de l’école : c’est un moment privilégié.

 

Puis le 7ème mois s’annonce, bébé est viable. Alors, on s’autorise à préparer sa venue. Il devrait être parmi nous pour Noël : quel beau cadeau ! Cladie commence à faire des essais de dessin pour le faire-part, Gabriel songe au texte qu’on pourrait écrire. Sa future naissance n’est que du bonheur.

 

Un soir bébé ne répond pas au « coucou » des enfants, je me sens mal à l’aise. J’ai attendu un signe toute la nuit, mais je n’ai senti que le silence dans mon ventre. Le 6 octobre au matin, je me rends à la maternité où deux sage-femmes m’ont annoncé après avoir effectué une échographie qu’il n’y avait plus d’activité cardiaque.

 

 

 

Impossible d’exprimer ce que l’on ressent tellement la douleur est violente.

 

Je devenais en une fraction de seconde une mère qui avait été incapable de veiller sur son bébé in utéro, une mère qui devenait le cercueil de son propre enfant et une mère qui allait faire souffrir ses grands enfants (9 et 12 ans) et son mari. Enfin, j’étais aussi une mère qui devenait orpheline de son troisième enfant sans y avoir été préparée.

 

Accompagnée de mon mari, j’ai accouché le 9 octobre d’un petit garçon que nous avons appelé Lucas. Quand je l’ai vu, j’ai eu pour lui la même bouffée d’amour que pour Cladie et Gabriel lors de leur naissance. J’ai juste eu le temps de l’embrasser et de tenir sa main quelques courtes minutes. Mon mari a pu le photographier et on est venu le chercher très vite… on ne l’a jamais revu.

 

J’ai su à ce moment que je vivrai toujours avec le manque cruel de son corps chaud contre le mien, que je ne connaîtrai jamais la couleur de ses yeux ni le goût de ses bisous mouillés sur mes joues. J’ai versé des larmes à n’en plous finir et trois jours plus tard, je suis sortie de la maternité accompagner mon fils vers son berceau d’éternité.

 

Avant cet ultime instant, Lucas a eu droit à une petite cérémonie religieuse : l’aumônier de l’hôpital lui a fait un joli hommage, quelques intimes étaient présents (un réconfort inestimable).

Un merci particulier à mon frère Sébastien qui a fait 1600kms aller-retour pour nous accompagner. Une pensée affectueuse pour une religieuse qui a su trouver les mots justes pour nous réconforter : oui, j’étais bien une mère qui venait de perdre son enfant « mort in-utéro sans raison apparente ». Toute mon amitié à quelques proches qui ont une pensée régulière pour Lucas (anniversaire, toussaint…), c’est tellement important…

 

 

 

Après des mois de détresse, de chagrin et de souffrances, Lucas est venu s’installer dans mon cœur

et aujourd’hui, je sais que c’est une petite lumière qui crépite pour la vie.

C’est devenu une force qui m’a fait grandir

et qui m’a permis de continuer à vivre pour Cladie, Gabriel et Philippe mon mari.

Il nous a donné le courage de redonner la vie.

Notre petit rayon de soleil s’appelle Léona et elle est née en juillet 2001.

Quand elle nous demandera : "Il est parti où Lucas ?" nous lui répondrons :

 

"Lucas, il est parti rejoindre le petit Prince sur son étoile".

 

 

Marie-Line

 

 

 

 

 

  arrow04a.gif Retour liste des poèmes/lettres/récits/dessins

arrow02a.gif Retour page d'accueil