Marilou, notre petite étoile
Je m'appelle Virginie, j'ai 25 ans. Le 27 mars 2006, j'ai accouché d'une petite Marilou à 32 SA. Elle pesait 1 700g. Elle est née sans vie.
Cette grossesse a été quelque peu difficile. Le bébé allait très bien mais c'est moi qui ne me sentais pas très bien. J'ai beaucoup angoissé. Je n'arrivais pas à y croire, c'était trop beau pour être vrai... Je l'ai voulue plus que tout au monde, c'était ma plus belle revanche sur la vie et aujourd'hui encore, elle l'est toujours.
Tout au long de cette grossesse, j'avais peur de la perdre ou encore peur qu'on me la prenne... J'avais un risque d'accouchement prématuré car je faisais de l'hydramnios. J'ai été hospitalisée en février une dizaine de jours en service "Hauts-Risques", j'ai fais quelques faux travails mais rien de bien alarmant. Pourtant, j'étais complètement paniquée. J'avais l'impression que je n'allais jamais y arriver. Je pleurais beaucoup mais personne ne comprenait vraiment pourquoi.
Marilou se portait comme un charme. Elle se faisait remarquer à chaque monitoring et refusait de se montrer à chaque échographie. J'avais l'impression de si bien la connaître. J'étais impatiente, trois mois c'était long. Etrangement, malgré les échographies 3D où nous avons pu bien voir son visage, je n'arrivais pas à l'imaginer. Je ne me voyais pas avec elle. Pourtant je ne pouvais concevoir ma vie sans elle, je l'aime si fort...
Le 27 février, on m'a fait une ponction du liquide amniotique, on m'a enlevé 1,2L de liquide. Je me suis sentie beaucoup mieux par la suite, et 48 h après, Marilou était très en forme et il n'y a eu aucune réaction à la ponction. Je suis sortie le samedi de la maternité avec une surveillance médicale à la maison. Je crois que j'étais sereine et confiante.
Le 17 mars, nous sommes allés faire une échographie de contrôle (j'en avais une par mois) et Marilou se portait comme un charme. Nous n'avions plus qu'à attendre et au prochain RDV nous fixerions la date de la césarienne. Le lendemain je n'étais pas très en forme, et l'idée qu'elle puisse mourir se faisait quasiment omniprésente et me faisait paniquer. Mais je me disais que c'était une angoisse normale puisque l'on m'a répété pendant toute ma grossesse que j'angoissais pour rien.
Le mardi, la sage femme (Fabienne) est venu faire un monitoring et je n'ai pas entendu tout de suite son cœur et j'ai paniqué. Fabienne m'a rassurée en me disant qu'elle l'a voyait sur l'écran et que tout était normal. Pourtant je me sentais lourde, j'avais beaucoup de courbatures, j'avais l'impression d'avoir repris du liquide.
Le jeudi soir, crise de panique, Fabienne me reçoit en urgence, pose le monitoring et Marilou allait très bien. Je lui ai dit : "J'ai peur qu'elle meure".
Le lendemain matin, j'ai senti Marilou bouger mais c'était beaucoup moins vigoureux que d'ordinaire. Cette dernière semaine avait été très calme ce qui accentuait mes angoisses. L'après midi je suis allée me promener avec mon ami. J'ai croisé beaucoup de personnes que je connaissais et qui, pour la plupart, me voyaient pour la première fois avec mon gros ventre. Le soir j'étais en colère, j'ai cru que j'allais hurler.
Le lendemain, je suis allée manger chez mes parents, Marilou qui tapait si fort habituellement, était calme, je ne sentais plus que des légers frottements. Je le savais. Je secouais mon ventre pour la stimuler mais rien. Le silence. Vers 17h, nous partons de chez mes parents, je ne leur avais rien dit. Nous allons à la maternité la plus proche. Je savais que, cette fois-ci, aucun mot ne me rassurerait. J'étais en larmes et j'avais déjà cette douleur qui ne m'a plus quittée.
Les sage-femmes ne m'ont rien dit, même si elles l'ont vu tout de suite. Nous aussi d'ailleurs. Changement de salle, changement d'appareil, mes larmes redoublent d'intensité, il faut que l'on me dise ces mots que je redoute tant, il faut que cette attente insoutenable s'arrête. J'ai eu le droit à l'écran en face de moi, comme ça j'ai pu regarder ma petite sans vie à l'intérieur de moi. Il n'y avait plus ce scintillement qui rend la vie si magique et pourquoi ne me dit-on rien ? Manu s'absente un court moment pour aller aux toilettes. Le médecin rentre dans la salle au même moment et il ne l'a pas attendu. Il me dit : "C'est normal que vous ne sentez plus votre bébé bouger"… silence. Moi : "Dites-le moi. Il faut que je l'entende." Lui : "Son cœur a cessé de battre." Le mien aussi par la même occasion.
Je me suis laissé tombée de la table et j'ai hurlé. J'ai pris conscience de la notion "cris de douleur". Manu, qui m'a entendu hurler dans le couloir, est entré en courant dans la salle et ma prise dans ses bras. Je n'oublierai jamais son regard quand il est entré.
Puis il a fallu appeler mes parents et les siens. Je m'entends encore leur dire : "Le bébé est mort." Nous avons changé de maternité car je voulais accoucher dans la mienne. Par chance, c'est le médecin qui m'avait suivie en hauts risques qui était de garde ce soir là. Nous étions le 25 mars.
Je cachais mon ventre car j'avais l'impression qu'il était transparent et en même temps j'en profitais car je savais que bientôt je ne pourrais plus. J'ai accouché le 27 mars à 16h50, après une journée complète de travail mais sans douleur mis à part la douleur morale qui étais plus forte que tout. Nous l'avons eu longtemps vers nous, j'ai pu en profiter. Mes parents et mes beaux-parents aussi. Mon Manu aussi. Je pensais vraiment que j'allais mourir avec elle. C'est la plus belle journée de ma vie. Merci au personnel soignant qui m'ont permis de vivre un moment magique et extraordinaire avec ma fille.
Le réveil fut pénible. Je voulais qu'on me la rende. Mais non ! A la place, j'ai entendu les mots autopsie, cercueil, obsèques, sans vraiment y croire... Je suis sorti le mercredi.
Le jeudi, nous avons fait incinérer Marilou. Puis nous l'avons enterrée chez ses grands-parents qui ont une grande propriété.
Aujourd'hui, je crois que ça va même si je ne supporte pas d'assister au bonheur des autres. Pourtant, je ne leur souhaiterai jamais de mal mais je ne peux participer à leur joie. J'ai un homme formidable qui m'a soutenue tout le temps. Nous parlons de Marilou entre nous sans tabou.
Aujourd'hui nous envisageons plus que tout d'avoir un deuxième enfant. Marilou prend doucement sa place même si je souffre tous les jours. Elle me manque tant.
Nous avons fait un beau jardin à Marilou, elle a des fleurs, des arbres, des moulins à vent, cabanes à oiseaux, bref, elle a la vie autour d'elle mais quand je vais chez mes beaux-parents, j'ai l'impression d'aller manger au cimetière, je ne supporte plus d'aller dormir là-bas car Marilou dort dehors... C'est difficile pour moi. Je ne peux pas aller la voir quand je veux... Nous avons pensé à elle et à son bien-être jusqu'au bout, je trouvais qu'elle n'avait pas sa place dans un cimetière mais aujourd'hui, je ne pense pas que ce soit une bonne idée... On va réfléchir et laisser encore du temps passer et après on verra...
L'autopsie n'a rien donné. Aujourd'hui, je sais une chose : je voulais le bonheur de Marilou, peut-être que son bonheur il est là... Je pense que pour elle, c'est mieux ainsi.
On ne meurt pas de "rien", les médecins ne sont pas des dieux et nous, nous n'avons aucun pouvoir de décision sur la vie et la mort, mais ça devait être suffisamment grave pour que mon bébé meure. Je l'aime tant, et j'espère qu'elle a senti à quel point je l'aime. J'aurai donné ma vie pour Marilou.
Marilou s'en est allée sur la pointe des pieds, elle a pris le temps de me dire "au revoir" et je l'ai écoutée car je le savais... Mais jamais plus je ne la laisserai partir...
Merci de votre présence. Merci d'avoir pris du temps pour lire mon histoire.
Virginie, maman de + Marilou+, été 2006
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"transfert de sépulture de Marilou" †
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"Petite Lucie"
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"Emile"
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