Nos Jumelles Enola et +Ambre+, petite âme et petit être liés à jamais |
Mes jumelles moins une …..
« Deux, il y en a deux, mais comment on a fait ? » Ce sont les premiers mots d’Arnault.
Et oui, c’est une grossesse gémellaire mono choriale bi-amiotique : un seul placenta mais deux poches différentes donc de vrais jumeaux.
Agréablement surpris , une nouvelle organisation à prévoir du fait d’avoir déjà un garçon de 5 ans.
Surveillance normale , maladie transfuseur –transfusé écartée dès le 4ème mois , morphologies au 5 ème normales pour mes futures jumelles.
Le 3 mars, visite classique chez mon gynécologue : et là tout à basculé. Une échographie non prévue pour vérifier un doute de mon médecin et …. un ruisseau de larmes s’est mis à glisser le long de mon visage quand j’ai vu que le cœur d’une des mes jumelles ne battait plus.
Mais pourquoi ? Comment ?Qu’ai-je fait pour qu’une telle chose nous arrive ? Douleurs, cris, larmes puis colère m’ont envahie.
Personne ne peut comprendre ce qu’on peut ressentir, quand on possède à la fois la vie et la mort au cours d’une même grossesse : au départ un sentiment de révolte à la fois pour celle qui est décédée puis, un sentiment de protection et de bataille pour la survivante.
La prise en charge à l’hôpital fut remarquable. Nous étions accablés Arnault et moi, comment cela était possible à 28 semaines d’aménorrhée, et la suite : la survivante comment va-t-elle et ira-t-elle ?
Différents examens ont été faits : prises de sang, puis échographies et enfin IRM à Grenoble.
Les conséquences peuvent être importantes vu que ce sont de vraies jumelles, des vaisseaux sanguins ont pu être en commun.
Dure est l’attente : le doute de détecter une anomalie cérébrale sur notre fille.
Dur de faire comme si, comme si, tout allait pour le mieux face à des personnes qui ne savent rien, surtout quand la personne devant vous est, dans le même état pathologique que vous, et qu’elle exprime ses sentiments d’être future mère, et qu’elle vous pose des questions sur vos jumelles.
Dur de savoir que les personnes parlent de vous et de votre état sans rien vous dire s’ils vous croisent.
Dur de le raconter, pour soulager un poids, car plus dure est la chute.
Dur d’être forts face à un enfant de 5 ans qui est très fier de dire qu’il va avoir deux sœurs.
Dur de retenir des larmes qui ne demandent qu’à couler sur des visages fatigués, inquiets et meurtris.
Dur de se battre, d’être optimistes jusqu’au bout : mais quelle issue allons-nous obtenir ?
Dur ….
Beaucoup trop de sentiments en même temps pour un même problème et, le plus dur reste à venir : libérer mes 2 filles lors de l’ accouchement , avoir la joie de tenir l’une dans nos bras, et rechercher l’autre seulement dans le regard de la première. Même avec tout le soutien du monde, personne ne pourra nous la rendre et nous comprendre.
Le 1er avril : examens comparatifs échographie et IRM au programme à Grenoble.
La tension est là : vont-ils détecter une anomalie au niveau du cerveau, le gynécologue nous rassure dès les premières images : notre fille « n’aurait » pas de lésions graves et se porte bien au stade de 32 SA.
Soulagés mais la bataille ne fait que commencer.
Se battre plus que jamais, tenir le coup psychologiquement et physiquement pour un petit bout si attendu, un être unique tout de même.
Dur de penser à des obsèques pour un enfant car même si l’opportunité de voir la petite frimousse de notre jumelle n’existera jamais, l’accident survenu pendant la grossesse (à 28 SA) permet à notre enfant d’avoir un statut d’enfant sans vie. La logique n’est pas là, ce n’est pas aux parents de faire la sépulture de leur enfant mais le destin est tracé.
Dans notre malheur, le bonheur d’avoir de bons résultats sur l’état de notre jumelle survivante nous fait aller de l’avant. Cela permet d’être fort face à son frère en lui évoquant la situation. Le lui dire, oui, il le faut mais en utilisant une « image » relative à un film « les frères ours ».
Il le faut pour LUI, pour notre FILLE survivante et pour NOUS.
Le destin de chacun est tracé.
Rien n’est JAMAIS complètement acquis : la Nature ou autre chose choisit pour nous.
Notre jumelle décédée devait avoir son destin à elle, de partir plus tôt mais de soutenir sa sœur pendant la grossesse en jouant le rôle d’obstacle praevia.
Césarienne prévue le 11 mai mais le destin, là encore domine, elles décident de sortir plus tôt soit le 29 avril à 22h 15 par césarienne .Mes filles se prénomment Enola, notre survivante et Ambre pour notre petit ange disparu.
Futures mamans des vrais jumeaux : ce récit n’est pas là pour vous faire peur mais pour vous mettre en garde : une grossesse gémellaire n’est jamais sans risque jusqu’ au bout ….
Mais l’espoir, l’instinct de mère et la force de se battre sont en chacune d’entre nous.
Claveau Delphine
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