Nous avons réussi, mais j'en garde un goût bien amer

 

 

Mon mari et moi sommes français, mariés en France et installés depuis 4 ans au Québec. Nos deux enfants plus grands sont nés ici et ont été déclarés à l'état civil et inscrits sur le livret de famille dans les jours suivants leurs naissances.

 

Lorsque j'ai appris que mon troisième enfant souffrait de microcéphalie et que nous allions devoir faire une IMG, j'ai appelé le consulat de France à Montréal pour m'assurer que le délai pour inscrire notre bébé à l'état civil était bien de 2 2SA. J'étais à 19 SA au moment du diagnostic et j'étais prête à repousser l'IMG pour pourvoir reconnaitre le bébé comme notre troisième enfant. La réponse s'est fait attendre, j'ai relancé le consulat 2 fois. Finalement nous avons du faire l'IMG. J'étais à 22 SA et un jour quand Heidi est née.

 

Deux jours après l'accouchement, le consulat a enfin rappelé... pour me dire que la loi ne s'appliquait pas dans les cas d'IMG, qu'il n'y avait pas eu d'accouchement donc pas de naissance. J'étais scandalisée !!! J'ai demandé quel était mon recours. Réponse : le tribunal de grande instance à Nantes. J'ai demandé un courrier en bonne et du forme stipulant le refus du consulat. Je l'ai reçu. Il était encore dit que la loi s'appliquait pour les enfants morts-nés, et que le mien n'était pas né !!!

 

Ne voyant pas pourquoi je devrais aller en justice, je me suis adressée par mail au service central de l'état civil, à Nantes, qui s'occupe des français à l'étranger. Trois semaines plus tard, j'ai reçu une réponse, en ma faveur, disant que si j'avais un certificat d'accouchement, je pourrais faire inscrire Heidi. J'avais dit de nombreuses fois au consulat que j'avais un tel document... J'ai transmis la réponse au consulat, qui a encore mis 2 semaines à me convoquer. J'y suis allée un lundi matin, munie de tous mes documents. Je me suis assise devant l'officier qui m'avait convoquée... et lui me dit que finalement, il vient de recevoir un message de ses supérieurs en France, les mêmes qui avaient statué en ma faveur, et que finalement ils ne peuvent pas inscrire Heidi parce qu'elle n'était pas viable. Je sais, cette raison parait très farfelue quand on connait la loi, mais c'est ce que l'officier me soutenait. Je lui ai donc demandé d'appeler immédiatement la France, en ma présence. L'officier a téléphoné, s'est fait dire quelque chose que je n'ai pas entendu car il n'avait soit-disant pas de haut-parleur à son téléphone, mais quelque chose que j'imagine être "Faites lui son foutu papier, qu'elle arrête de nous ennuyer..." Car après, il a établi l'acte d'enfant sans vie, avec tellement d'incompétence que c'en était désolant. Je n'ai pas eu de difficulté pour donner à Heidi son prénom (enfin un bon point) puis l'officier a fait remplir mon livret de famille par sa collègue.

 

Très en colère, j'ai récupéré mes papiers et je suis vite partie. Dans l'ascenseur, j'ai voulu savouré le nom de ma fille sur la page du 3ème enfant. C'est là que j'ai constaté que sur la ligne sexe, il y avait juste un petit trait. Ni féminin, ni masculin, mon bébé n'était rien ! J'ai rempli ce champ moi même une fois arrivée au travail. Pendant toutes ces semaines de démarches, l'officier n'a pas arrêté de me dire : "Je vous comprends madame, mais on ne peut pas faire n'importe quoi, ce n'est pas moi qui décide, ce sont mes supérieurs, je vous comprends..." Non, il n'a rien compris du tout, du début à la fin.

 

Nous avons réussi, mais j'en garde un goût bien amer.

 

 

Julie, février 2006
e-mail : julie.cailliau@sympatico.ca

 

 

Depuis la rédaction de ce texte, la famille s'est agrandie. Heidi est devenue la grande soeur d'un beau petit garçon en pleine forme.

 

 

 

 

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