Si vous pouviez comprendre
Si vous pouviez comprendre, mais je ne le crois pas, écoutez moi seulement une fois...
Parents d'enfants décédés avant ou après la naissance, comprenez combien nous souffrons.
Nous sommes comme vous toutes et tous, le désir d'avoir des enfants, c'est tellement naturel, cela fait part entière de notre vie.
La joie d'apprendre que nous attendons un enfant.
La joie de voir le ventre où est blotti notre bébé grossir de jour en jour.
La joie de nous préparer a devenir parents, de choisir son prénom, d'acheter des vêtements, preparer son nid, de donner la vie.
Et puis d'un seul coup, nous apprenons que la vie de notre petit s'est arrêtée, comme ça, du jour au lendemain, alors que nous ne savions pas que cela pouvait arriver, jamais, car nous devions donner la vie !
Devoir à ce moment le comprendre. Nous sommes si bouleversés, anéantis, meurtris, ne sachant plus quoi faire. Notre vie bascule dans un monde que nous ne connaissions pas et cela brutalement.
Devant se taire, car à partir de ce moment, nous ne sommes plus considérés de la même façon : nous devions donner la vie et là, ce n'est plus pareil.
Toutes nos joies s'écroulent et c'est le vide. Que nous arrive-il ?
Pourriez-vous comprendre la déchirure que cela produit en nous ? Non, pour vous qui ne l'avez vécu ce n''est pas possible. Je comprends, mais malgré tout, dès que nous savons qu'une petite vie bat en nous, c'est heureux, c'est beau, c'est doux, nous voudrions que personne ne vienne déranger notre bonheur et cela se comprend et ça c'est pour tout le monde.
Alors vous pouvez peut-être comprendre l'amour à ce petit qui pousse près de nous, en nous ? Cet amour, nous le partageons avec notre bébé dès que sa petite vie est en route. Nous avons déjà l'instinct de protection, qu'il se porte bien, se développe bien, attendre de recevoir notre petit dans nos bras, le cajoler, l'embrasser, le bercer, lui chanter des chansons, lui parler car déjà, dans notre ventre, nous lui parlons, nous le caressons de nos mains, nous l'aimons, tout simplement. C'est l'amour en partage dès sa conception.
Alors, pourquoi nous ne sommes pas compris lorsque notre bébé ne peut vivre, arrive au monde sans crier car il est mort dans notre ventre, ou il naît et ensuite sa vie s'arrête pour différentes raisons ?
Nous avons le chagrin d'avoir perdu notre bébé, de devoir accepter la mort avant la vie, en cela personne ne s'y prépare, personne !
Nous rentrons chez nous sans notre bébé... Notre corps qui continue à manifester qu'un petit était bien en nous... Se taire et continuer à vivre avec cet immense vide que rien ne remplacera. Nous aimions notre petit, nous avions notre ventre bien rond et du jour au lendemain, il est vide. C'est brutal, ça fait mal, nous sommes désarmés, en souffrance. Où est notre enfant, où est-il ?
Pourquoi, d'un seul coup, nous n'interessons plus personne ? Parce que nous n'avons pu donner la vie et que cela n'intêresse personne, même le médical. D'un seul coup, il faut se taire, se retrouver face a l'inattendu et devoir tout comprendre, assumer, réagir, alors que nous sommes perdus.
Mais non, non ! Ne croyez pas que cela se passe comme ça ! Notre souffrance, nous devons vivre avec, avec le temps l'apaiser, mais bien blottie dans un coin de notre âme, en attente de pouvoir être reconnue : reconnaître notre souffrance, reconnaître que nous avions un enfant et que nous l'attendions.
Je crois que nous pouvons être comprise et compris, enfin j'aimerais, car les papas souffrent, souvent aussi dans le silence.
Heureusement qu'il existe des associations afin de pouvoir s'exprimer, sinon la culpabilité, la souffrance, ce vide, ce maillon cassé resterait à jamais au fond de notre être.
il suffirait d'être entendu, reconnu dans notre souffrance afin de pouvoir apaiser celle-ci, car la blessure reste à jamais, mais pour cela il y a encore du chemin à faire...
Peut-être que si je n'avais connu ce drame, peut-être que j'aurais réagi comme vous, je ne sais pas ? Mais aujourd'hui, je vous le dit : avant de juger, il faut comprendre et en le voulant, c'est possible, car l'amour que nous portons a nos enfants dès le début de leur vie en nous, cet amour ne s'éteint jamais. Nous avons du être séparés brutalement en cours de cet amour, et il nous manquera pour toujours, c'est inachevé, inattendu, en attente.
Comprenez notre coeur fragilisé, comprenez notre sensibilité : nous avions notre amour à partager, nous avons du le partager d'une autre manière, sans le corps de nos enfants, mais leur place auprès de nous. Ils ont bien existés avec nous.
Tous ces mots à entendre et qui ne veulent rien dire, des uns, des autres, en plus de notre douleur... Il faut supporter des remarques, des "Ce n'est rien, tu ne l'as pas connu, tu en referas un autre...", et bien non ! Cela ne fonctionne pas comme ça ! du tout ! Personne ne remplace personne... Et puis tout ce que l'on ne dit pas...
Je crois, à ce jour, que je vis dans un autre monde : je veux garder mon amour avec mon petit sans que personne ne dérange, car pendant presque 28 années les gens m'ont dérangée dû à leur désinteressement, afin de trouver l'intimité que je voulais partager avec mon enfant, sans savoir comment faire et pouvoir, ni savoir comment me mettre à l'écart des jugements.
Depuis que j'ai pu m'isoler, partager ma souffrance, reconnaître mon enfant, la vie est tout à fait autre : plus calme, plus douce... Mais à vous qui ne voulez comprendre, je vous dirais tout simplement : "N'y touchez pas, merci !"
Muriel, 28 janvier 2006
Voir témoignage "J'attendais un enfant, c'était
presque un miracle"
Voir lettres et poèmes: "Je voulais te dire"
Voir le poème de Gérard,
le mari de Muriel : "La fontaine et le cèdre d'Asie"
Voir
le poème: "L'enfant de mes pensées"
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