Sylvia, mère éphémère d'Alec et Dorian
Ce sont deux petits anges que j'ai perdus le même jour, c'était le 24juillet 2002 après presque 5 mois de grossesse et de bonheur.
Lorsque je les ai vus, tous les deux, à 6 semaines de grossesse, sur l'écran de l'échographe du gynéco, ça a tout de
suite été un peu la panique. Je ne m'attendais pas à des jumeaux et je ne me sentais pas capable de vivre cette expérience
surtout pour une première grossesse.
Le gynéco m'annonce aussi sec froidement que d'ici les 3 mois de grossesse il y a de grandes chances pour que l'un des deux disparaisse spontanément.
La panique passée, je les ai voulus très fort et j'attendais avec angoisse l'échographie du 1er trimestre pour les voir tous les deux,
là et bien vivants.
Mais ouf ! Ce sont deux petits bonhommes
en pleine forme et bagarreurs qui s'agitent sur l'écran à l'occasion de cette échographie. L'échographiste confirme le fait
que ce sont des vrais jumeaux puisque que clairement il n'y a qu'un unique placenta.
C'est merveilleux et angoissant ! Deux enfants identiques ! Expérience ça allait être !
Mon intuition me disait c'était deux garçons même si je saurais pas vraiment l'expliquer et dès ce moment là, le cap
des 3 mois étant franchi, je les appelés par leurs prénoms : Alec (à gauche) et Dorian (à droite).
En plus toute la grossesse en elle même se déroulait merveilleusement bien : à peine une petite semaine de barbouillages intestinaux
et une forme incroyable ! C'était génial et comme dans un rêve ! Tout semblait maintenant tracé d'avance et je ne me suis plus
inquiétée quant à la suite de la grossesse.
Jusqu'à la fin du 4ème mois de grossesse, j'étais en forme et déjà je les sentais nettement bouger.
Je grossissais à vue d’œil, du matin au soir même parfois, je sentais la différence. les kilos grimpaient sur la balance mais qu'importe! Mes deux petits grossissaient très
bien et puis ils étaient deux à grandir dans mon ventre, alors tout ça me semblait bien normal !
Au début du 5ème mois de grossesse, j'ai eu beaucoup de vertiges. Ça ne choqua aucunement mon gynéco qui m'arrêta de
travailler sans plus de problème.
Mon ventre était maintenant vraiment énorme et m'handicapait pour
faire quoi que ce soit . j'ai passé trois semaines allongée et me ménageant,
ne pouvant d'ailleurs rien faire d'autre.
Et un soir, j'ai eu des douleurs et des vomissements sans fin qui durèrent toute la nuit. j'étais persuadée d'un problème alimentaire qui expliquerait les vomissements.
Au matin nous sommes allés chez un généraliste qui me détrompa, soupçonnant des contractions. Ca ne m'inquiétait
pas plus que ça parce nombreuses ont été des connaissances à me dire qu'elles avaient eu des contractions vers le 5ème
mois et qu'avec du repos, la grossesse s'était bien déroulée.
Je promis du repos et d'aller voir mon gynéco pour lui en parler. D'ailleurs l'après-midi même, j'avais rendez vous pour l'échographie
du 2ème trimestre à la clinique et j'essaierai de le voir à l'occasion.
Seulement, en attendant pour passer à l'écho, j'avais des douleurs, petites mais qui ne s'arrêtaient pas. Je n'en pouvais plus. J'ai appelé une sage femme sans attendre, juste pour m'allonger. Elle mesura mon utérus qui avait dépassé la taille d'une fin de grossesse et elle m'installa un monitoring qui révéla des contractions suffisantes pour avoir raccourci déjà un peu le col.
Ah bon ? je ne savais pas trop quoi en penser.
On m'amena pour faire l'échographie. Et là sur l'écran, c'était flagrant : mes deux tout petits bonhommes étaient perdus
dans un océan de liquide amniotique. L'échographiste prit toutes les mesures et me confirma que c'était bien deux beaux petits garçons.
Mais elle avertit tout de suite le gynéco parce que tout ce liquide amniotique et un problème de circulation au niveau des cordons l'inquiétait.
De retour dans une chambre, le gynéco m'exposa la situation : on avait à faire, sans nul doute, à ce qu'on appelle le syndrome "transfuseur-transfusé",
en gros des "court-circuits" de certaines veines présentes dans le placenta.
L'avenir était sombre parce qu'à 20 semaines de grossesse, c'est trop tôt pour déclencher l'accouchement, il faudrait 8 semaines de plus au moins. Que de toute façon, il y en avait un qui allait bientôt décéder naturellement.
Il me fit comprendre, sans m'influencer pour autant, que s'acharner ne mènerait à rien à ce niveau là de la grossesse.
Bourrée de calmant, je ne réagis pas sur le coup. Ce n'est qu'après la nuit passée, que la décision fut claire dans
ma tête et approuvée par mon mari, nous avons lancé la procédure d'interruption de grossesse.
Nous n'avions pas vraiment le choix de toute façon. Trop d'incertitudes, 8 semaines encore à tenir, une fausse couche naturelle probable, le décès certain de l'un des deux et l'autre qui pèserait 800 g (peut être) à sa naissance et qui n'aurait peut être pas assez de maturité pour respirer seul ...
Je me suis laissée porter par la suite des évènements.
Le moment le plus douloureux psychologiquement fut celui où le gynécologue pratiqua deux
injections sur les deux cordons pour les "endormir"définitivement. Il eut d'ailleurs du mal parce qu'ils bougeaient beaucoup
... encore ...
Deux jours plus tard, j'accouchais donc après déclenchement par voie basse, sous péridurale. Ils m'ont proposé de les voir
une fois de retour dans la chambre. J'ai accepté ne sachant pas trop à quoi m'attendre. J'ai convaincu mon mari de les voir lui aussi parce
que ça serait notre unique occasion.
A 5 mois, ce sont deux adorables petits bébés qu'on m'a présenté, emmaillotés tel des bébés à terme
et comme endormis paisiblement.
Il s'est passé alors le moment le plus magique que j'ai jamais connu. Mon
cœur a explosé d'amour pour eux et j'ai dit au revoir à Alec et Dorian,
calmement. C'est ce souvenir là que je veux conserver de toute cette épreuve.
Voilà c'était la fin de notre courte histoire... Aujourd'hui je me sens prête à surmonter tout ça . Je ne regrette pas ces moments douloureux et magiques, que ce
soit de la grossesse ou de l'accouchement. Je sais que leurs petites âmes attendent que d'autre
bébés arrivent pour enfin s'y installer pour toujours.
J'attends d'ailleurs avec impatience de retomber enceinte et de recommencer toutes ces étapes vers une heureuse issue enfin.
Je tiens à dire que le personnel de la clinique à été le plus humain et prévenant qu'il pouvait et je les en remercie
beaucoup. Ils ont fait que cette expérience soit la moins douloureuse possible.
Je sais, même si je n'ai pas beaucoup l'occasion de le faire, que témoigner et parler est une thérapie. J'espère que partager
cette histoire avec d'autre parents en deuil,
peut m'aider et les aider.
SYLVIA, mère éphémère.
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