Témoignage sur la prise en charge hospitalière

 

 

J’ai perdu ma fille Lucia le 17 juillet 2005 à 22 semaines et 5 jours d’aménorrhée.

 

Mon épreuve a commencé à l’hôpital, je voudrais apporter mon vécu pendant cette période hospitalière. Si j’ai pu avancer, cheminer dans mon deuil, c’est parce que l’équipe soignante m’a  aidée à enclencher quelque chose. C’est le travail, la pratique d’accompagnement d’un hôpital d’une petite ville que je veux rapporter, tant elle a répondu à des besoins, tant elle a été pensé avec justesse.

 

J’étais dans une chambre 3 jours seule face à moi même, rythmés par les précieuses présences du papa, des appels à l’entourage pour prévenir, et des passages divers du service. Drôle de séjour, qui sera gravé toute ma vie dans ma mémoire. Les cris des bébés des chambres voisines retentissaient, mais ils ne me blessaient pas vraiment  car j’avais déjà vécu une belle grossesse avec notre première fille aînée de 3 ans. Simplement, une absurdité,  c’est que ce séjour n’était pas prévu pour maintenant. C’est l’envahissement des pourquoi, de la culpabilité qui commençait.

 

Que peuvent dire des soignants dans ce genre de situation pour soulager des parents endeuillés ? J’ai aussi pensé à eux,  s’occuper d’un enfant mort, de sa famille. Ce doit être difficile de leur côté. Nous évoquons forcément le côté médical, avec le manque d’explication et du mystère des grossesses qui s’arrêtent, il n’y avait pas  grand-chose à se partager.

Et nous, de quoi avons-nous besoin dans ces moments là ? Souvent, ce n’est pas toujours de paroles : on a besoin d’un certain climat de compassion, on a besoin d’écoute, de pouvoir s’exprimer.

L’équipe soignante a pensé que des supports pour signifier, concrétiser ce drame étaient les bienvenus, chaque parent étant libre de les utiliser ou non.

Tout d’abord, une petite bougie nous a été donnée pour évoquer ce bébé, nous pouvions l’allumer dans la chapelle de l’hôpital pendant notre séjour, un joli porte bougie nous était prêté.

 Aussi, on nous a apporté une petite boîte en bois avec des petites feuilles de couleur, de quoi écrire, il nous est proposé de mettre des mots à l’intention de notre bébé, ce petit carré pourra être accroché sur un mur de la chapelle réservé à ces petits bébés. Quand nous sommes allés en repérage, le mur portait déjà plein de petites intentions que nous avons lues avec intensité, nous nous sommes trouvés moins seuls et notre bébé n’était pas seul non plus. Nous avons mis notre petit carré à notre tour, cela paraissait évident.

 

Avec mon mari, la première étape a été de comprendre la situation de notre fille  et de réaliser qu’elle serait reconnue par la société. Des petites paroles d’accompagnement, d’explication ont été importantes pour aider à se situer avant, pendant et après l’accouchement, surtout que ce dernier a été long. L’exemple frappant est que l’on nous explique l’intérêt  d’accepter de regarder cet enfant mort. Nous nous sommes laissés portés par l’expérience des soignants.

L’équipe nous informait de la nouvelle loi qui légifère les enfants nés sans vie. Concrètement, il a fallu décider d’un prénom d’un enfant mort, pas simple sur le coup et quand rien n’était encore pensé,  mais tellement important après l’arrêt de la grossesse, après avoir vu notre bébé. Il a fallu également décider où notre fille serait inhumée.

 

On nous a apporté un classeur avec des informations diverses : la loi autour de l’arrivée de ces petits bébés pour en prendre connaissance tranquillement,  les coordonnées des associations, des lectures pour être aider, des parents qui ont donné leur faire-part, des textes…

On nous a apporté un beau cahier, avec des écrits laissés par d’autres parents, qui ont vécu la même chose et qui sont passés dans ce même service. Nous avons été invités à écrire à notre tour si nous le souhaitions. Quand je suis restée des heures et des heures seule souvent dans une chambre à broyer la tristesse, la douleur, l’incompréhension, à regarder mon corps qui ne portait plus rien, qui vivait les transformations de l’après-accouchement, j’étais contente d’avoir tout cela à lire, je me raccrochais à tous ces écrits douloureux et chaleureux à la fois de ces parents. Naturellement, j’ai essayé de mettre des mots sur mes maux, sur ce cahier parce ça ne pouvait que me faire du bien.

Cette entraide, c'est-à-dire cette façon de nous faire communiquer entre parents alors que nous ne nous connaîtrons jamais,  a été d’un immense apport, peu explicable..

On nous a proposé de rencontrer la psychologue du service. Nous l’avons fait car nous avions besoin d’être aiguillés pour savoir comment  annoncer la mauvaise nouvelle à notre fille aînée de 3 ans.

 

En conclusion, tout cet accompagnement nous a permis de sortir de l’hôpital avec une reconnaissance de notre statut, de notre chagrin, avec des repères, avec la légitimité et  l’envie de faire un beau anib13.gif faire-part pour rendre hommage à notre petite fille aux yeux de tous.

Nous imaginions si cette nouvelle loi n’avait pas exister, cela aurait été tout autre, si notre fille était sortie une semaine plus tôt, elle n’aurait pas pu être reconnu telle quelle.

J’étais vidée dans mon ventre et dans ma tête, le papa devait trouver des nouvelles marques, mais un tout petit semblant de vie était présent, le chemin vers un espoir de reconstruction.

Avec  les conseils de la psychologue, l’annonce à notre fille aînée de la grossesse finie s’est faite plus facilement, avec moins d’anxiété, nous avons pu nous y préparer surtout que le hasard a fait qu’elle n’était pas avec nous au moment de cette épreuve. Un dialogue s’est tout de suite instauré  à son niveau, avec ses mots à elle, ce qui nous a rassurés. Nous ne voulions pas instaurer un secret, qui peut être dévastateur.

Notre entourage a apprécié en grande majorité le faire-part, d’être associé à cet évènement douloureux,  nous avons reçu beaucoup de soutien. Cela a permis des discussions, d’échanger des expériences similaires, d’informer sur la nouvelle loi. Certains n’ont pas su quoi dire mais l’essentiel c’est qu’un message soit passé.

Chaque parent a une expérience unique, perdre un bébé c’est très intime, c’est difficile à partager avec les autres. Nous avons essayé d’expliquer ce qu’on vivait, cela a permis de lever un peu plus le silence sur la mort de ces touts petits bébés.

 

 

Nathalie, avril 2007

email : hamza4@tiscali.fr

 

Voir le faire-part de décès de anib13.gif "Lucia"

 

 

 

 

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