Théo, la trop courte histoire de mon ange
Voici la courte histoire de mon ange.
En novembre 2002, j'apprenais que j'étais enceinte de mon second enfant. Vous ne pouvez pas savoir mon bonheur. J'ai dû reprendre mon travail car mon premier enfant avait trois ans. Les conditions de reprise ont été très difficiles (laisser mon 1er garçon, la fatigue, je n'ai pas retrouvé mon poste, ni mon bureau).
En avril, je suis arrêtée. Vers le 20 mai, dans la nuit, j'ai perdu du sang, j'appelle les urgences et l'après-midi nous allons à la maternité Paule de Viguié à Toulouse (qui remplace la maternité de la Grave).
Après m'avoir examinée et fait une écho, ils me disent que je dois rester 8 jours hospitalisée. Par contre ils ne peuvent pas me dire d'où viennent les saignements. J'étais énorme, j'avais mon ventre aussi gros qu'à la fin de la grossesse de mon premier bébé. (Ils ne m'ont dit qu’après la naissance que c'était parce que le bébé avait une atrésie intestinale et qu'il ne digérait pas le liquide et me le rejetait dans la poche.)
Le dimanche, je demande à sortir et je reste allongée la semaine comme ils me l'avaient dit. Pendant les 5 jours à l'hôpital PERSONNE ne m'a examinée, les docteurs restaient au pied du lit et ne s'approchaient même pas.
La
semaine passe et le samedi à 13H je perds les eaux. Je pars avec les pompiers.
A 17h ,je rentre dans la salle d'accouchement, ils avaient vu que j'avais un streptocoque B.
Ils me mettent sous perf et me font la péridurale.
Tout d'un coup je vois arriver plein de docteurs. La gynéco m'appuie sur le ventre d'un air soucieux : le coeur du bébé s'arrêtait. J'ai eu peur et j'ai pleuré et je pleure encore.
Au bout d'un moment, elle dit de me préparer pour une césarienne car le bébé est encore haut. Puis finalement elle me regarde et dit : « On va essayer de le faire naître comme ça. » J'ai poussé très fort trois fois et il est né. J'étais si heureuse et fière de l'avoir sauvé que je pleurais et je pleure encore un an après.
Quand il est sorti, la pédiatre l'a attrapé et on a juste eu le temps de lui faire un bisou sur la tête (ce n'était même pas un bisou c'était un effleurement.)
Elle me l'a emporté et je ne l'ai plus revu.
On est venu me dire qu'on me l'a amené en SAMU pédiatrique au service de réa. Mais que c'était courant pour les prématurés (en effet mon bébé est né à 7 mois ½).
Ils m'ont fait passer deux photos de lui (il était branché de partout) c'était horrible. J'ai tellement pleuré et je ne souhaite cela à personne.
Le lendemain matin, on attendait avec impatience d'appeler la réa. Pour avoir des nouvelles. C'est mon mari qui a appelé et je le voyais se décomposer au téléphone. L'état du bébé avait empiré, il avait fallu faire une ponction car un poumon se remplissait d'eau. Il avait toujours besoin de l'assistance respiratoire.
C'était le dimanche, on est allé le voir à 11h. C'était terrible, j'ai pleuré d'avoir fait ça, (tout le monde me dit que ce n'est pas de ma faute mais c'est bien moi qui l'ai fait naître !). On nous a bien expliqué à quoi servaient les tuyaux, qu'il ne souffrait pas. L'après-midi, on y est revenu, la pédiatre a voulu nous parler, elle nous a expliqué que Théo avait le problème d'atrésie aussi. Mon mari est rentré chez ses parents avec Quentin car je pouvais passer la nuit seule, il n'y avait encore rien de grave.
Quand, en raccompagnant ma soeur, je suis revenu le voir, la pédiatre m'a dit qu'ils ne pouvaient plus rien faire, qu'il ne respirait pas tout seul, que la nuit sera décisive et fatale. J'ai rappelé mon mari.
La nuit à 1h du matin, on nous a appelé, je me déplaçais en fauteuil roulant car j'étais épuisée. On nous a dit qu'il était en train de partir. On est resté 2 h avec lui et je lui ai parlé, parlé, parlé j'ai dit des mots aberrants, je lui ai promis des merveilles mais il ne m'a pas écouté. A ce moment là on pouvait lui toucher les petites cuisses et ses petites mains. J'avais peur d'entendre les machines sonner quand ce serait fini alors on est rentré dans la chambre à 3h.
A 4h la sage femme nous a réveillés : c'était fini.
Il a fallu choisir les petits vêtements qu'on voulait lui mettre.
Quand on est entré dans le service, ils l'avaient mis dans une pièce dans un petit berceau en verre comme ceux des nouveaux nés. Il était emmailloté dans un petit drap. On m'a demandé si je voulais l'habiller, je n'ai pas pu. Après on m'a demandé si je voulais le prendre et j'ai refusé. Pour moi, c'était un être mort et j'ai toujours refusé de voir les morts. Ils nous ont laissé nous recueillir et là, toute seule je l'ai pris dans mes bras, je l'ai caressé; je l'ai embrassé, je lui ai parlé. Je l'ai tenu deux heures je ne l'ai même pas donné à mon mari, je ne pouvais plus le lâcher. Puis ils sont rentrés et m'ont dit qu'on ne pouvait le garder que 2 h après le décès; il faut le porter à la morgue. Puis il y a eu l'arrivée de mes soeurs, ma sortie, l'enterrement et les mois qui passent et ma souffrance qui est encore plus forte maintenant.
Après l'autopsie, on a su que le streptocoque B avait infecté ses poumons avant l'accouchement (durant la grossesse) et que ses poumons n'auraient jamais fonctionnés seuls.
Je suis désolée d'avoir été si longue mais je voudrais que les gens comprennent ce qu'on peut subir. Beaucoup pensent qu'on a « perdu » le bébé comme si on avait fait une fausse-couche. Or le bébé était magnifique (il pesait 2kg2), il devait vivre et il a vécu deux jours.
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