La naissance de Lorenzo

 

 

Je suis rentrée un 27 décembre pour accoucher de mon fils.

Je savais déjà depuis 6 mois de grossesse que mon bébé avait une malformation au poumon gauche, mais je n’y croyais pas.

 L’échographiste avait annoncé cela, avec tellement de nonchalance. Il m’ a dit : « Vous devrez voir un spécialiste ». Comment ça, moi qui sentait que je portais bien ce bébé, moi qui sentais que je le portais comme Ethan et  Lauryn.

Dès ce jour j’ai été suivie pointilleusement et les médecins ne souriaient pas aux échographies, comme pour mes deux premiers enfants. Ils étaient tendus et l’atmosphère était froide à chaque fois.

Je rentrais donc ce jour, pour accoucher de Lorenzo.

 Dès 8 h, j’étais au rendez-vous.

Nous avions dormi sur place avec mon mari. Dans une maison qui accueillait les parents dont les enfants sont hospitalisés. J’avais de la chance, car je n’avais pas d’enfant dans les bras et ils m’ont acceptée. Il était dans mon ventre, bien au chaud : tellement bien…

On devait déclencher mon accouchement par perfusion. La perfusion me faisait terriblement mal. Mais on me disait que c’est normal. Je me consolais avec ça , me disant qu’une douleur plus importante restait à venir : mettre mon fils au monde.

Je n’ai pas eu le temps de ressentir les douleurs des contractions, car la péridurale m’avait été administrée assez tôt.

Je me rappelle avec exactitude du visage de la sage-femme :brune à lunettes, souriante et rassurante.

Le temps passait et mon col s’ouvrait et on me faisait comprendre que c’était pour bientôt.

Quand soudain, deux obstétriciens son entrés dans la salle d’accouchement pour vérifier si tout allait bien. Visiblement oui. J’attendais patiemment, avec mon mari. Enfin non, j’étais assez impatiente pour tout dire !

Ils reviennent ! Les deux médecins , le visage fermé. Je devine et je dis : « Césarienne ? »

L’un deux, me répond : « Attendez… ». La sage-femme regarde l’état du col. Et tout en regardant, le médecin regarde la courbe cardiaque de Lorenzo. Il me dit : « A chaque contraction, le rythme cardiaque de votre bébé ralentit .»

 Je perd mes forces et me met à pleurer.

En deux temps une équipe de au moins 10 personnes s’est agitée autour de moi, piqûres, fils… Mon mari regardait, impuissant, terrifié !

Je n’arrête pas de pleurer pendant qu’il me transporte au bloc pour pratiquer la césarienne.

Je suis seule, mon mari doit m’abandonner. C’est une tragédie. J’ai peur. Je devais accoucher par voie basse.

J’ai peur, je n’arrive pas à m’arrêter de pleurer, en pensant accoucher de mon bébé mort !

Je ne cesse de pleurer. Les spécialistes ne semblent pas s’occuper de moi. Mon anesthésiste me dit tout bas de ne pas m’inquiéter, il me rassure, je lui demande sans cesse si tout va bien. L’anesthésie m’endort ,et j’étouffe. L’anesthésiste me dit : « C’est normal, c’est l’enfant qui appuie sur votre cage thoracique." Mais, moi, je veux rester éveillée. Je veux voir mon bébé. Qu’on me dise tout va bien. Je veux savoir, même si je perds mon souffle et que je ne peux à peine garder les yeux ouverts.

C’est fou, je ne savais pas ce qui se passait derrière le drap blanc qu’ils avaient mis devant mon ventre, mais je sentais qu’il m’ouvraient et qu'ils essayaient de sortir mon fils avec délicatesse et attention. Je ne savais pas qu’il était sorti, c’est l’anesthésiste, le seul, qui me l’a dit gentiment : « Vous ne l’avez pas entendu pleurer ?"

Lorenzo est né le 28 décembre 2005.

Un cri, un seul ! Je ne l’ai vu que le lendemain.

Mon mari s’est tenu près de lui avec tendresse et affection. Il était très touché.

 

 

Tu es parti sans faire de bruit

 

 

On m'a laissée en salle de réveil. Cette endroit était si... glauque. Je me sentais seule, et comme abandonnée parmi une tonne de brancards et de fauteuils.

A demi-évanouie par l'anesthésie, je ne trouvais pas la force de me lever.

Une personne est venue me voir et dans le trouble, je n'avais plus la possibilité de rester éveillée. Je me suis endormie. Mon mari est arrivé peu de temps après, pour me donner des nouvelles de
Lorenzo.

Ca allait, et non, il n'était pas mort, mais sous incubateur.

Un soulagement pour moi, qui ne pouvait pas bouger les jambes. Les heures dans la salle de réveil m'ont semblé interminables. Il fallait que je sente mes pieds, et mes jambes avant que l'on m'emmène enfin dans ma chambre. Mon mari faisait le va-et-vient entre la chambre de Lorenzo et moi. Je me rappelle de ses gestes de tendresse que je n'avais pas l'habitude d'avoir. Des caresses sur le front. Je me sentais mieux, car il était à côté de moi.

Un brancardier costaud m'a emmené dans ma chambre. Ouf !j'avais une chambre seule. Je ne voulais pas parler de Lorenzo à qui que ce soit. Je suis restée là, mais je n'ai pas tardé à me plonger dans un sommeil profond. Il fallait que je récupère.

Le lendemain, je voyais Lorenzo : mon pauvre bébé, il n'était pas seulement endormi, il était sous sédatif pour ne pas bouger et enlever les fils. Il en avait partout ! Jamais je n'avais vu ça et encore moins chez des enfants.

C'est en chaise roulante que mon mari m'a emmenée au service de réanimation. Et lorsque j'y suis arrivée, c'est avec beaucoup de souffrance au ventre, due à la cicatrice de ma césarienne encore fraîche, que je m'approchais de mon fils.

Ils avaient posé le tuyau dans son nez, de telle façon que son nez se déformait. A ma demande il l'ont mis autrement.

Mon bébé devenait beau de jour en jour.

Au bout de quelques jours, il attrapait une infection. Au bout de quelques jours encore, sa pression pulmonaire artérielle diminuait. Lorenzo allait très mal. Et avant même qu'on nous l'annonce, je l'avais lu dans les yeux de l'infirmière qui n'avait pas le droit de me le dire. Ses yeux brillaient, et elle était évasive.

J'avais mal, car je savais...

L'après-midi, on nous annonçait que Lorenzo bien, son état se dégradait. Il n'a pas fallu de mot supplémentaire pour que son papa et moi pleurions désespérément. Buvant les mots d'espoirs de la réanimatrice. Croyant en l'impossibilité qu'il parte, et surtout pas utiliser le mot MORT.

Nous étions sur place, Nous étions agités sans cesse.

Ce matin -à, je priais ; Ce matin-là je chantais Dieu pour que sa confiance et son amour puissent m'accompagner, pour supporter cette journée d'incertitude.

Nous partons avec mon mari prendre le petit-déjeuner. Je suis à la vaisselle, toujours dans la maison qui accueille les familles.  Soudain, le portable de mon mari sonne, il me dit : " Viens". Je lui dis : "Je range". Il s'énerve et part seul. Je comprends de suite que ça  y est.

Le monde s'est arrêté , je ne vois plus les murs, ni le sol, ni les gens qui m'entourent. Je ne fais que suivre le chemin de la réanimation que je connais par coeur : Lorenzo ne va plus...

Je suis arrivée là bas. Ils nous ont dit que Lorenzo allait mourir. Je me suis "écroulée", mais pas un cri n'est sorti de ma bouche. Je pleurais, mes yeux étaient troublés par les larmes. Mes forces me perdaient, et je regardais, sous le choc, tous les rangements, les "préparations" qu'ils faisaient pour que mon petit s'en aille. Ils ont commencé à ranger ses jouets, sa boîte à musique. La femme qui s'approchait de moi, avec ses cheveux en fouillis m'insupportait.
Elle était là pour m'accompagner à ce que mon bébé meure. Je ne la voulais pas à mes côtés. Pas elle. Je voulais un visage familier. Un visage que j'avais déjà vu. Elle s'approchait si près de mon bébé, alors qu'elle ne s'en était même pas occupée. JAMAIS.
Où étaient-elles les infirmières de Lorenzo ? Elles m'ont manqué ce jour-là.

Ils le mettent dans mes bras, ils enlèvent les fils. La réanimatrice revient sans cesse pour écouter son petit coeur. Elle nous précise que son coeur bat de plus en plus doucement.

Puis Lorenzo est parti le mardi 10 Janvier 2006. J'ai voulu redresser sa tête, elle a basculé en arrière comme une poupée de chiffon.

NON ! MON FILS ne vit plus ! Lorenzo reviens... Seigneur Dieu, fais un miracle je t'en prie !

Il a vécu : 9 mois en moi, et sur cette terre : 13 jours.

 

 

lilibel, septembre 2006

 

 

 

 

 

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