Zoé : l'essentiel c'est l'amour

Valérie, maman de Zoé et de Bastien

 

 

 

L’histoire de Zoé

 

L’histoire de Zoé a commencé un jour du mois de juin 2003. Son papa et moi avions très envie d’agrandir la famille. Nous étions déjà parents d’un petit bout d’homme âgé de 2 ans. Les joies familiales nous apportaient beaucoup de bonheur et nous désirions pouvoir offrir tout cela à un nouvel enfant.

 

Les premiers mois de la grossesse furent assez fatigants ; entre le stress du boulot, les projets de maison, les cours de David et les tracas quotidiens, l’attention n’était plus aussi focalisée, que pour la première grossesse, sur notre bébé en devenir.

 

Nous avions bien l’intention d’y remédier en commençant les séances d’haptonomie que nous avions déjà eu l’occasion d’expérimenter pour Bastien notre fils aîné. C’est ainsi que le 6 novembre nous avions pris congé toute la journée afin de se consacrer entièrement à notre petit bébé. La matinée devait commencer par l’échographie morphologique, ensuite dîner en amoureux et enfin cette première séance d’haptonomie qui allait nous permettre en couple d’investir dans la relation avec notre bébé.

 

Cette journée que j’attendais tant arrive enfin, nous conduisons Bastien à la crèche et ensuite nous fonçons à l’hôpital. Nous sommes en retard. Après 45 minutes d’attente, voilà notre tour. Nous allons sans doute savoir aujourd’hui le sexe de notre enfant. Jusqu’ici le doute est absolu, le gynéco lors des échographies précédentes n’a pu le déterminer. David a une petite idée car certains indices lui laissent présager une petite fille (nausées plus importantes que pour Bastien, libido plus élevée…). L’échographiste commence l’examen, il mesure la tête, le tibia… puis plus un mot… et la phrase qui cogne encore aujourd’hui dans ma tête retentit : « IL Y A UN PROBLEME. » Je n’en crois pas mes oreilles, je crois que c’est une blague. Il nous explique que notre enfant a une HERNIE DIAPHRAGMATIQUE et que la situation est grave car son estomac est déjà remonté aux côtés des poumons. Le diagnostic pour lui est sans appel, notre enfant ne développera pas ses poumons et donc ne pourra pas vivre à la naissance. Je fonds en larmes et n’arrive toujours pas à y croire. Notre petite fille (David avait raison) va mourir.

 

De retour à la maison, nous nous sommes écroulés en pleurs dans les bras l’un de l’autre, une envie d’hurler au ventre. Nous avons contacté notre gyneco qui, lui, nous a conseillé d’aller voir des spécialistes à l’hôpital universitaire. Le lendemain ont commencé les examens afin de savoir si la hernie était associée à d’autres malformations ou si cela était l’unique problème. Amniocentèse, résonance magnétique, échographie chez un spécialiste, visite chez un chirurgien pédiatrique, rencontre avec un néonatologue…bref des moments de doutes, de questionnement, d’espoir, de résignation.

 

Il n’y a jusque maintenant aucune explication à cette malformation, pas de maladie génétique, pas d’anomalie chromosomique… C’est juste la faute à pas de chance nous dit-on.

 

Nous avons finalement pris la décision d’interrompre la grossesse car Zoé n’a développé qu’une petite partie d’un poumon et les organes de son abdomen remontent tous dans son thorax. Nous sommes tous les deux d’accord et sereins face à notre décision. Je crois que cela va nous aider beaucoup pour la suite.

 

La seule façon d’interrompre une grossesse à 5 mois et demi est de passer par un accouchement provoqué. Au début cette idée me terrorise. La naissance d’un enfant est un moment d’intense bonheur et je ne voulais pas l’associer à la douleur et la tristesse de la mort de mon enfant. Et puis, pour moi donner naissance à Zoé, c’était lui donner la mort.

Nous en discutons avec Véronique D. chez qui nous faisons nos séances d’haptonomie. Ces séances nous permettent d’enrichir la relation que nous avons avec Zoé, d’en profiter un maximum car désormais nous savons que le temps nous est compté. Petit à petit nous réfléchissons à la façon dont nous voulons que la naissance de Zoé se déroule. L’accouchement ne me fait plus peur nous allons donner naissance à Zoé et ensuite l’accompagner à mourir. Et une chose est certaine nous la prendrons dans nos bras, nous serons là jusqu’au bout. 

 

Le 28 novembre à 14h27, Zoé est née. Elle a vécu une dizaine de minutes sur mon ventre, son papa la caressait et nous lui parlions de tout l’amour que nous avions pour elle. Elle n’a pas souffert car elle était déjà dans un profond coma. Paradoxalement ces moments furent d’un intense bonheur, nous étions si heureux d’avoir pu faire sa connaissance. Elle était toute petite mais si belle. 

 

Le soir même, notre petit Bastien est venu nous rendre visite à l’hôpital. La psychologue qui nous avait suivis jusque là nous avait conseillé de présenter Zoé à son grand frère. En arrivant, me voyant dans un lit avec une perfusion, Bastien est intimidé et n’ose même pas m’approcher. Aïe comment allions nous pouvoir lui présenter Zoé. Finalement une des infirmières propose d’aller la chercher avec David dans la chambre voisine. Bastien suit son papa et lorsqu’il le voit avec Zoé dans les bras, demande à la voir et la prendre dans ses bras. Nous l’avions préparé à la naissance et la mort de sa petite sœur, notamment à l’aide de petits livres expliquant la mort d’un petit oiseau…  Il était tellement heureux de la voir, de la toucher, de l’avoir dans ses bras, il ne voulait plus s’en détacher. Nous étions ses grands-parents, les infirmières et nous-mêmes littéralement abasourdis. Ensuite, Bastien est allé la conduire avec son papa à la morgue dans un petit lit.

 

Les infirmières, le gynécologue, l’anesthésiste, la psychologue ont été formidables et nous ont accompagnés d’une manière remarquable dans ces moments de joie et de douleur. C’est aussi grâce à eux que nous avons pu vivre tout cela avec beaucoup d’humanité.

 

Nous avons enterré Zoé le 3 décembre. C’était une journée ensoleillée mais en même temps si irréaliste; David, Bastien et moi-même suivant le corbillard de notre petite fille, jamais je n’aurais cru devoir à 27 ans vivre la mort d’un de nos enfants. 

 

Aujourd’hui nous sommes sereins, nous avons accompagné Zoé jusqu'au bout.  Elle nous aura apporté beaucoup de choses : elle a consolidé notre couple, renforcé les liens avec nos familles, nos amis, elle m’a donné la certitude que nous avons beaucoup d’amour à donner, elle nous a appris à revenir à l’essentiel des choses, à profiter de chaque moment de la vie et vivre les choses en profondeur.

 

Aujourd’hui une phrase de St-Exupéry a pris tout son sens pour moi : «C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante». Dorénavant, je perdrai plus de temps pour ce qui est essentiel, c’est-à-dire l’amitié, l’amour…

 

Nous sommes la veille du 1er janvier 2004, la douleur et la tristesse sont encore bien présentes et le retour à la réalité est par moment très difficile mais j’espère que cette année 2004 sera parsemée de nouveaux bonheurs sous la bienveillance de notre petite étoile Zoé.

 

 

Valérie, maman de Zoé et de Bastien

e-mail : valerie@cajot-penson.be

 

 

 

 

 

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