Anaïs

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(…) J’étouffe, je me sens mal. Il faut que je fasse quelque chose pour Anaïs. Annoncer sa venue au monde, même si elle n’est pas physiquement là, elle est présente, elle existe. Il faut faire quelque chose de jolie, après tout c’est ma fille, il faut que je le dise à tout le monde que j’ai une deuxième fille. Je dois faire un faire-part. Mais quelle sera la réaction des gens ? Que dira-t-on devant un faire part de naissance qui est en même temps un décès. Je n’en ai jamais vu avant. Est-ce raisonnable. J’en parle à ma mère, elle me dit que si j’en ai besoin, il faut que je le fasse, chacun vie son deuil à sa manière. Oui, elle a raison, j’en ai besoin. Il faut que ce soit sobre mais beau. Oui, il faut que les gens sachent que rien n’est plus beau que d’avoir un enfant. Même si cette enfant est morte, il faut que tous voient comment je l’aime. Il faut un faire-part hors du commun. Il faut que je le fasse moi-même. Je cherche la meilleure façon de décrire la beauté, la pureté. Anaïs représente l’innocence, la fragilité, la beauté mais aussi la mort la tristesse et l’éphémère. Comment dire ça sans faire de discours ? Je trouve. Qu’est-ce qu’il y a de plus beau et de plus pur qu’un ange ? Oui, c’est un ange. Anaïs est notre ange, il faut que tous la voient comme telle. Je dois donc créer un ange sur le faire-part. Mais pas un ange ordinaire trouvé quelque part et faire un copier-coller. Non, il faut créer cet ange comme je l’imagine. Je veux un véritable ange. Pas un dessin, il me faut un visage en trois dimension, il faut créer un bas-relief avec le visage de l’ange. Le papier utilisé sera crème, l’écriture ne doit pas être agressive, elle sera donc écrite à la main en gris et le reste devra être entièrement blanc symbole de pureté. Ce faire-part devra être comme un livret ce qui permettra de protéger l’ange. Je trouve un tissu transparent, parfait pour recouvrir partiellement le faire-part. Je me promène pour trouver des idées et tout va très vite. Je sais déjà à quoi il doit ressembler. Je trouve des fleurs en tissus et en papier de différentes sortes, elles seront parfaites pour donner la fraîcheur. Au début, je croyais que l’Anaïs était une fleur et je fus déçue lorsque je compris que le parfum Chanel n’était pas de l’Anaïs. Chanel avait créé sa propre Anaïs, à moi d’en faire autant. Je pourrais ainsi dire tout ce que je pense grâce à cette fleur née de mon imagination. Je trouve des plumes blanches et un petit boa blanc qui symboliseront la fragilité et la douceur. Il me faut encore trouver le visage de l’ange. (…) Il me faut un visage parfait, un visage d’enfant. (…) je trouve enfin quel visage utiliser. Je l’achète. Et commence à créer un moule (…) le résultat est magnifique. Le visage blanc paraît encore plus beau que sur l’original. C’est parfait. Je peux me lancer dans la fabrication des faire-part. Il me faudra trois jours pour les réaliser. (…)

 

Certains me disent que le faire-part les a beaucoup touchés, d’autres me disent qu’il est  beau. Quel bonheur d’entendre qu’il est beau, j’ai l’impression qu’ils me disent que ma fille est belle. J’associe le faire-part à Anaïs, aimer ce faire-part c’est comme aimer Anaïs. Elle est si abstraite, ce faire-part la modélise. Il exprime ce qu’ Anaïs aurait été. Une collègue me dit que le visage de l’ange est si serein. Elle est nouée en le regardant. Oui, elle a raison, Anaïs est sereine maintenant. Elle est bien, elle repose en paix. Puis on me demande ce que j’ai pris pour faire un visage si pur, si beau. Je souris, jamais je ne leur dirais, non pas par secret, mais parce que je crains qu’ils ne voient plus l’ange aussi beau. Personne ne le sait, je l’ai dit uniquement à mon mari qui m’a vu les préparer. (…)

 

 Voir la lettre anib13.gif "A ma fille Anaïs"

 

 

 

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