Mon tout petit
16 septembre 1999- 16 septembre 2006
7 ans, mon tout petit. 7 ans déjà, 7 ans seulement, toi que j'ai
perdu en tout début de grossesse, à 8 semaines SA. Tu as traversé
ma vie à toute vitesse, comme une étoile filante. J'ai à
peine eu le temps d'apprendre que je t'attendais que déjà, tu
partais.
Durant ces quelques années, j'ai tout fait pour amoindrir ton souvenir.
Parce que 3 enfants de perdu, c'est trop pour moi. Je peux pas assumer. Ta maman
est faible, tu sais, très faible. Impossible pour moi de reconnaître
que j'ai perdu trois enfants. Je t'ai toujours gardé une place dans mon
coeur, mais une place différente que pour Samuel et Dylan. Une place
plus discrète, à l'abri des regards et des souvenirs. D'ailleurs,
tout le monde t'as oublié, même ton père, je pense. Je n'en
veux à personne de cet oubli, j'ai tout fait pour. Même moi, il
y a parfois des années où le 16 septembre passait comme un jour
ordinaire. Mais depuis hier soir, pour la première fois, ton souvenir
vient frapper à ma porte très vigoureusement. Pourquoi aujourd'hui,
oui pourquoi? Peut-être parce que j'ai maintenant suffisamment planté
de fleurs dans le jardin du souvenir de tes frères pour pouvoir t'offrir
une place plus grande, pour pouvoir m'occuper de toi, peut-être aussi
parce que je suis chaque année plus sensible, plus fragile. Je vis chaque
année plus douloureusement la mort de tes frères, je mets toujours
plus de temps à me relever de leurs dates anniversaires. En fait, je
ne sais pas pourquoi c'est aujourd'hui. C'est comme ça, c'est tout, peut-être
que je ne dois pas chercher plus loin.
"M'asseoir sur un banc 5 minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu'y en a",
chante Renaud dans sa chanson "Mistral gagnant". C'est ce qui me manque
le plus avec toi, peut-être encore plus que pour tes frères. Entendre
ton rire et ton pleur, te regarder danser et jouer. Tes frères, je les
ai sentis plus longtemps en moi, je les ai sentis vivre, bouger. De toi, j'ai
peu de ces souvenirs, juste le souvenir d'avoir savouré durant quelques
jours le bonheur d'être enceinte. Et puis, tu es parti, douloureusement,
bruyamment. J'ai eu mal physiquement aussi quand tu m'as quitté. Peut-être
parce que tu savais déjà qu'il te faudrait lutter pour te faire
une vraie place au sein de ma petite famille.
Et maintenant, je regarde la vie, mais plus comme avant. Je la regarde passer,
en restant sur le trottoir, en sachant que je fais partie d'une autre réalité
que celle de la plupart des gens. La réalité d'avoir perdu deux
enfants plus toi. La réalité de vivre autrement, de regarder la
vie autrement, et de regarder parfois la société actuelle sans
comprendre.
"Le temps est assassin
et emporte avec lui le rire des enfants",
dit encore la chanson.
Oui, le temps est assassin. Le temps assassin m'a pris mes enfants, une grande
partie de ma joie de vivre, mes illusions, mes projets, mais le temps n'a pas
réussi à me voler vos souvenirs, votre souvenir dans mon coeur,
ni ma tristesse de vous avoir perdu.
Voilà, mon tout petit, .j'avais besoin de t'écrire aujourd'hui.
Je t'ai entendu pleurer de tout mon corps, il fallait que je te le dise, pour
que tu saches que malgré mon déni, je ne t'ai pas oublié,
Mirko. C'est un prénom qui
est venu tout seul hier soir, quand j'ai pensé à toi. Depuis 7
ans, mon coeur sait que tu es un petit garçon. Pourquoi ce prénom,
Mirko ? Ca je sais pas, il ne représentait rien jusqu'à présent,
mais il m'est venu hier, au creux de mes oreilles, soufflé par le vent,
les étoiles et ton souvenir.
Je pense à toi, mon tout petit, même si c'est pas comme pour tes
frères, je pense à toi, je n'oublie pas, promis.
Je t'ai au fond de mon coeur, et quelque part encore dans mes tripes, mon bébé.
Martine, 16 septembre 2006
Voir témoignage "Samuel, mon petit ange de l'au-delà"
Voir témoignage "Dylan, mon petit prince des étoiles"
Voir poème "Blues et états d'âme"
Voir témoignage "Dylan"
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