Océane, mon coeur, mon ange, je t'aime
Vendredi 12 janvier à 01h15, je me réveille. Je me sens mal et tout à coup, après être allée aux toilettes, je m’aperçois avec horreur qu’il y a une trace de selle verte sur mon drap.
Je ne sais que faire.
Dans mon trouble, j’oublie ce que ma sage femme m’a dit : "Si vous avez des pertes vertes, cela signifie que ce sont les selles du bébé, donc départ immédiat à l’hôpital."
Mon père dort, il se réveille à 04h30 pour aller travailler, je n’ose le réveiller.
Je n’ai personne avec moi, mon copain m’ayant laissée tomber alors que je n’avais que 5 jours de retard mais avec un test d’infirmerie scolaire positif.
Je suis toute seule avec ma peur, je ne sens plus ma fille Océane bouger.
Mais que se passe t’il ? Pourquoi le temps ne passe pas plus vite ?
J’attends que mon père se lève dans une angoisse grandissante.
Tout à coup, devant moi se dresse la silhouette de mon père, je n’avais pas entendu son réveil.
Il est étonné d’avoir vu la lumière sous ma porte.
Je lui dis que j’ai eu des pertes vertes. Il ne sait pas ce que c’est et me propose de m’amener au centre hospitalier. J’accepte.
Il prévient sa société qu’il arrivera en retard, mais il ne se fait pas de souci outre mesure, et nous partons au centre hospitalier.
Arrivés là-bas, une sage-femme très gentille nous fait entrer dans une salle au fond car en même temps que moi il y a une autre maman qui est sur le point d’accoucher.
Je lui dis ce qui m’amène et elle procède à un test avec une bandelette pour voir si j’ai perdu du liquide amniotique.
Test négatif, mon père qui était passé dans la pièce à coté revient et me dit en souriant que je m’étais inquiétée a tort mais que, au moins, nous étions rassurés.
La sage-femme nous signale qu’elle va écouter le cœur du bébé au monitoring puis qu’elle nous laissera rentrer à la maison.
Je commence à me rassurer. Finalement, je m’étais inquiétée à tort.
La sage-femme revient avec le monitoring et me met l’électrode.
Quelques battements apparaissent mais qu’elle n’arrive pas à stabiliser. Elle nous dit que ce doit être le bébé qui nous tourne le dos et nous signale qu’elle va demander à sa collègue de lui donner un coup de main.
Quand elle revient, le problème est le même, sa collègue a exactement le même, elle n’arrive pas à stabiliser le monitoring où plus rien n’apparaît.
Je regarde mon père, l’inquiétude apparaît sur son visage
Les sages-femmes nous disent qu’elles vont chercher un appareil d’échographie mobile.
Nous restons seuls, mon père et moi. Nous n’osons pas parler.
Mais que se passe t’il ?
Quand les sages-femmes reviennent, elles passent le peigne sur mon ventre, mon père est tendu, je n’ose plus respirer.
Je ne comprends pas, je ne vois rien sur l’écran, à la crispation du visage de mon père, je me rends compte qu’il est inquiet et qu’il ne parvient plus à le cacher.
Les sages-femmes se regardent, je ne sais pas à ce moment là qu’elles ont compris et nous signalent qu’elles vont demander au gynécologue de garde de venir pour confirmer leur pensée.
Elles nous disent que leur appareil ne marche pas si bien que ce qu’elles pensaient et nous disent que lui va nous le trouver en deux secondes.
Nous restons seuls à nouveau avec mon père, chacun dans sa peur respective pour ne pas la communiquer à l’autre, nous nous murons dans une angoisse qui est à couper au couteau.
Quand le gynécologue revient, je reprends espoir.
Les sages-femmes se seront trompées et un médecin est plus qualifié qu’elles : il va trouver le cœur d’Océane.
Au bout de quelques secondes, je m’aperçois avec effroi que lui aussi passe le peigne plusieurs fois sur le thorax et moi, moi je ne vois toujours pas de mouvement de ce petit cœur qui faisait tant plaisir à voir sur les précédents échographies.
Mon père est de plus en plus tendu, je comptais sur lui pour me remonter le moral, pour me faire rire ou sourire comme il sait le faire mais là, rien.
J’ai l’impression que je ne compte plus pour personne.
Pour les personnes présentes, seul compte le thorax d’Océane.
Mon père a pris la sage-femme par le bras pour l’amener dans la pièce à coté. J’apprendrai plus tard qu’il lui a posé la question de savoir s’il avait bien interprété l’échographie et qu’elle lui a dit oui, il n’y a plus rien à faire.
Quand enfin, le médecin se relève, je vois bien qu’il est embarrassé.
Puis quand il commence à parler, c’est pour nous dire que les sages-femmes ont eu raison de venir le chercher mais que malheureusement, il n’y a plus rien à faire.
Que le cœur s’est arrêté de battre et nous le montre sur l’écran.
Il n’y a rien de plus horrible que de voir le cœur de son bébé immobile.
Je ne comprend pas, hier soir, je la sentais bouger et là, rien, le néant.
Je suis effondrée, je me dis que personne ne me dit la vérité, mon père est blême.
Le gynécologue continue son examen par acquis de conscience.
Mon père me regarde, je le regarde, nous ne comprenons pas se qui se passe.
Dans la pièce à coté, nous entendons le monitoring de la femme qui est entré en même temps que moi.
C’est horrible d’entendre un cœur de bébé battre alors que celui du mien est arrêté.
Les sages-femmes m’emmènent dans une chambre et me disent qu’elles vont me donner des cachets pour provoquer l’accouchement que je prendrai puis que je pourrai rentrer chez moi et revenir 2 jours après.
Je leur demande de me faire accoucher par césarienne mais cela m’est refusé.
Je suis jeune (21 ans) et la césarienne laisse des traces sur l’utérus. De plus cette intervention est surtout pratiquée quand il y a un risque pour la survie du bébé, ce qui n’est plus le cas du mien malheureusement.
Mon père et moi sommes désemparés. Mon père prévient sa société, il éclate en pleur, je ne comprends pas se qu’il dit au téléphone et son responsable non plus. Mais au bout de plusieurs secondes, il arrive à se faire comprendre et on lui dit de rester à mes côtés.
Je me sens moins seule mais je suis toujours sous le choc.
Quand mon père prévient ma mère, il est 07 heures du matin. Quand mon père essaie d’expliquer la situation, sa voix se brise et j’entends ma mère hurler dans le téléphone.
Je ne veux pas rester seule dans ces moments qui sont pénibles.
A 10h00, une sage-femme me prévient que je ne pourrais rentrer chez moi, le travail a commencé.
On me donne un calmant qui me permet de dormir un peu.
Mon père reste à mes côtés. Ma famille vient me voir.
Malgré les visites interdites, le personnel soignant se montre compréhensif.
D’ailleurs, toute la journée, il se montrera aux petits soins, venant régulièrement me voir.
Après plusieurs heures à souffrir du dos, je demande une péridurale.
Celle-ci me sera faite à 16h10 quand mon col est ouvert à 5 cm.
Le gynécologue explique à mon père que l’anesthésiste ne pouvait pas la faire avant que le travail soit réellement commencé.
Je dors, le personnel vient régulièrement me réveiller toutes les heures mais je suis tellement sonnée que je me rendors aussi vite.
Mon père me tient la main il me regarde d’un air triste, il ne peut rien faire et il le sait, mais moralement il me soutient. Je ne suis pas seule.
Quand arrive 21h30, la sage-femme me dit qu’il va falloir commencer à pousser.
Mon père tourne sa chaise vers mon visage, par pudeur, il ne veut pas voir se qui se passe dans son dos, je le comprends, je suis quand même sa fille mais je ne voulais pas rester seule dans un moment pareil et ma mère ne se sentait pas le courage de m’accompagner.
Mon père rapproche son visage du mien et m’encourage. Je lui serre la main, puis le pouce.
Merci papa d’être à mes côtés.
Au bout de vingt minutes, Océane vient au monde. La sage-femme m’avait prévenu que le visage et le corps de Océane ne seraient pas roses et auraient des marques sur le corps.
Je demande que l’on me la mette sur le ventre, ce qu’elle fait.
Je regarde ma fille, elle est belle, elle semble dormir je demande à mon père de prendre des photos, ce qu’il fait d’abord dans son lange, la sage-femme l’ayant enveloppée puis dans des habits que mon père était aller chercher pendant que je dormais.
Je ne m’en étais même pas rendue compte.
A 01h30 les sages-femmes m’annoncent qu’il va falloir me monter en maternité, il y a trop d’urgence d’accouchement ce jour-là pour que je reste dans ce service.
Il y en a eu 8 ce jour là alors qu’en moyenne dans l’hôpital de M. il y en une moyenne de quatre.
Pourquoi y en a-t-il autant alors que moi j’ai perdu ma fille ?
A l’étage, je demande si mon père peut passer la nuit à mes côtés et bien que cela ne soit pas autorisé, je remercie le personnel soignant d’avoir dit oui. Mon père a dormi à mes côtés avec un drap et une couverture prêtés obligeamment par le personnel de nuit.
Toute la journée du samedi, le personnel soignant sera à mes côtés pour me soutenir.
J’ai accepté que l’on pratique une autopsie sur ma fille, j’ai besoin de savoir ce qui s’est passé.
Je suis sortie de l’hôpital le samedi soir, je ne pouvais pas rester dans un lieu où tout aurait dû être une joie et qui, maintenant pour moi, est devenu un lieu de cauchemar.
Le lundi, au moment des formalités, nous apprenions que je ne pouvais faire marquer Océane sur un livret de famille.
N’étant pas mariée et n’ayant pas d’autre enfant viable, je ne pouvais obtenir un livret de famille.
Je ne pourrais faire inscrire Océane que lorsque j’aurai un autre enfant ou que je me marie.
Je le ferai, Océane a pris une place importante dans ma vie et ne mérite pas d’être oubliée.
Mon Dieu, que la loi est mal faite.
Pourquoi rajouter une couche de malheur dans celui que l’on a actuellement ? Pourquoi ?
Tous les jours, je suis allée voir Océane, et plus je la voyais, plus je la trouvais belle.
Vendredi 19, j’ai enterré Océane, cela fut pénible et dur.
Repose en paix ma chérie.
Nadine, janvier 2007
Voir
le témoignage d'Hervé, grand-père d'Océane : "A toi, mon coeur, mon ange"
Voir les lettres : "Lettres à Océane"
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