L’augmentation des traitements en clinique de fertilité et l’âge plus avancé des femmes
qui s’engagent dans une grossesse contribuent à une plus grande proportion de naissances de jumeaux et de triplés.
Les jumeaux ou les triplés attirent beaucoup d’attention sur eux et sur leurs parents. Ils apportent du prestige et de l’importance
à leur famille et leur attente est très excitante. Avant l’arrivée de l’échographie, il n’était
pas exceptionnel que les parents aient, à la naissance, la surprise de l’arrivée de deux bébés, ou
même de plusieurs, au lieu d’un seul. Aujourd’hui, les parents ont le temps de s’attacher à chaque bébé
durant la grossesse et s’habituent à se considérer comme des parents de jumeaux ou de triplés. Il
peut arriver que tous les bébés soient perdus, au même moment ou à des moments différents durant
la grossesse ou après la naissance. Il est difficile d’imaginer l’intensité de la peine des parents qui perdent tous
leurs bébés à la fois ou qui les perdent un après l’autre. Il est aussi possible qu’un ou
plusieurs bébés d’une naissance multiple ne survivent pas. Ces grossesses sont plus à risques d’un accouchement
très prématuré et d’autres complications propres aux naissances multiples. Un des bébés peut
aussi être perdu pour les mêmes raisons qu’un bébé unique, à cause d’anomalies, de maladie ou
d’accident. Le retour à la maison avec le bébé survivant d’une naissance multiple n’est pas aussi
joyeux que pour les parents qui ramènent leur bébé unique. - Quand on attend des jumeaux, on les aime
tous les deux et on les veut tous les deux. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le fait d'avoir au moins un bébé
vivant ne console pas nécessairement les parents, car ils doivent faire face à la dure réalité que
l’autre (ou les autres bébés) est décédé. - Les gens pensent que de perdre un jumeau,
c’est d’avoir une demie pennée. Je n’ai pas perdu un demi-bébé, j’ai perdu un enfant tout entier et ma peine
est à 100 %. La difficulté principale à laquelle font face les parents, c’est de devoir en même
temps s’attacher au bébé vivant et pleurer leur bébé mort : deux tâches émotionnellement
opposées. - Je me promenais dans la salle d’accouchement avec ma fille morte sur un bras et mon fils vivant sur
l’autre. Je pleurais de peine pour ma fille et je me disais mon petit bonhomme a besoin de moi. Je me demandais comment je réussirais
à retomber sur mes pieds. L'absence d'énergie et les autres émotions, normales dans la phase aiguë
du deuil, peuvent rendre difficile la réponse aux besoins d'un nouveau-né. - Les parents ont le temps de
souffler entre la mort de leur bébé et le bébé suivant. Nous, malgré notre peine, il fallait
s’occuper de l’autre bébé, tout de suite. - Je me sentais anéantie par la mort du bébé.
Je passais mes journées à pleurer. Heureusement ma mère était là pour m’écouter et s’occuper
du jumeau. Ça m’a pris des semaines pour apprécier le bébé qui me restait. Le bébé
vivant peut aussi prendre tellement de temps que les parents n’ont pas l’énergie pour se plonger dans la souffrance d’avoir
perdu l’autre et le deuil n’avance pas. Beaucoup de parents peuvent avoir besoin d’aide dans les soins du bébé.
Mais ils ont aussi besoin de quelqu’un qui les écoute parler du bébé mort et de leur peine. Le plus souvent,
les proches semblent plus confortables en oubliant le bébé mort et en parlant seulement du bébé vivant.
Et ils voudraient que les parents réagissent comme eux. - On m’a dit : « Vous êtes chanceux ; vous
avez ramené un bébé vivant à la maison ». Et nous sommes chanceux aussi d’avoir enterré
son frère ? Plusieurs autres éléments font que de perdre un ou des bébés est difficile
quand il y a un ou des bébés survivants. Le bébé vivant est un rappel constant de celui qui manque.
- Quand le soir je berce mon bébé, je pleure souvent en pensant que je suis le père de deux bébés
et que j’en ai seulement un à bercer. - Pendant des années, je ne pouvais pas fêter la fête
de mon fils la journée même de son anniversaire, car cela me rappelait trop qu’il y en avait trois qui étaient
nés cette journée-là. Si seulement un enfant d'une grossesse multiple survit, les parents doivent faire
le deuil non seulement du ou des bébés perdus, mais de la perte de l'attention et du prestige associés aux
jumeaux et aux triplés. Plusieurs parents sont tristes parce qu’ils n’auront probablement pas l’occasion de vivre à
nouveau cette expérience d’attendre deux ou trois bébés. - Je suis une mère ordinaire maintenant
que je n’ai plus qu’un bébé. Avant, j’étais spéciale aux yeux de tous, car j’attendais des jumeaux.
Voici quelques suggestions pour aider les parents après la mort d’un jumeau : N’hésitez
pas à parler du bébé mort et de dire aux gens que vous êtes heureux du bébé survivant,
mais que vous avez de la peine d’avoir perdu l’autre bébé. Si le soutien autour de vous n’est pas adéquat,
recherchez le partage avec d’autres parents dans un groupe de soutien ou l’écoute d’un professionnel. Accordez-vous
des moments séparés pour penser et pleurer votre bébé mort et d’autres moments pour profiter et être
heureux de votre bébé vivant. Si vous faites une cérémonie de baptême ou une fête
pour célébrer la naissance du bébé vivant, vous pouvez penser à préparer un rituel pour
commémorer le passage du bébé qui est disparu. Quand apprendre la nouvelle au jumeau survivant?
Le plus tôt sera le mieux. De parler du jumeau décédé peut se faire tout naturellement, chaque fois
que vous pensez à lui. L’enfant grandira en sachant qu’il est un jumeau et que l’autre est mort. Il n’est pas nécessaire
d’attendre que l’enfant soit en âge de comprendre et de poser des questions. Jamais cette information ne doit lui être
cachée. - J’ai mis la photo des deux jumeaux dans le même cadre. Mon fils est fier de la montrer et il explique
aux gens : « Ça c’est mon frère et ça c’est moi. On jouait tous les deux ensemble dans le ventre de
maman. Moi je criais fort quand je suis né et maman et papa étaient contents. Mais mon frère, il était
mort et papa et maman, ils ont pleuré. » Pour mon fils, c’est tout naturel, mais je vois que ça rend certaines
personnes bien mal à l’aise. |