BEBE INFOS vol. 8 n° 5 - Octobre 2006

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La difficulté principale à laquelle font face les parents, c’est de devoir en même temps s’attacher au bébé vivant et pleurer leur bébé mort : deux tâches émotionnellement opposées.






Texte de Suzy Fréchette-Piperni, B.Sc.,
infirmière spécialisée en deuil périnatal
Publié dans le magazine BÉBÉ
Vol. 8 No. 5 (octobre 2006)



Perdre un ou plusieurs bébés lors d’une grossesse multiple

L’augmentation des traitements en clinique de fertilité et l’âge plus avancé des femmes qui s’engagent dans une grossesse contribuent à une plus grande proportion de naissances de jumeaux et de triplés. Les jumeaux ou les triplés attirent beaucoup d’attention sur eux et sur leurs parents. Ils apportent du prestige et de l’importance à leur famille et leur attente est très excitante.

Avant l’arrivée de l’échographie, il n’était pas exceptionnel que les parents aient, à la naissance, la surprise de l’arrivée de deux bébés, ou même de plusieurs, au lieu d’un seul.

Aujourd’hui, les parents ont le temps de s’attacher à chaque bébé durant la grossesse et s’habituent à se considérer comme des parents de jumeaux ou de triplés.

Il peut arriver que tous les bébés soient perdus, au même moment ou à des moments différents durant la grossesse ou après la naissance. Il est difficile d’imaginer l’intensité de la peine des parents qui perdent tous leurs bébés à la fois ou qui les perdent un après l’autre.

Il est aussi possible qu’un ou plusieurs bébés d’une naissance multiple ne survivent pas. Ces grossesses sont plus à risques d’un accouchement très prématuré et d’autres complications propres aux naissances multiples. Un des bébés peut aussi être perdu pour les mêmes raisons qu’un bébé unique, à cause d’anomalies, de maladie ou d’accident.

Le retour à la maison avec le bébé survivant d’une naissance multiple n’est pas aussi joyeux que pour les parents qui ramènent leur bébé unique.
- Quand on attend des jumeaux, on les aime tous les deux et on les veut tous les deux.
Contrairement à ce que beaucoup pensent, le fait d'avoir au moins un bébé vivant ne console pas nécessairement les parents, car ils doivent faire face à la dure réalité que l’autre (ou les autres bébés) est décédé.

- Les gens pensent que de perdre un jumeau, c’est d’avoir une demie pennée. Je n’ai pas perdu un demi-bébé, j’ai perdu un enfant tout entier et ma peine est à 100 %.
La difficulté principale à laquelle font face les parents, c’est de devoir en même temps s’attacher au bébé vivant et pleurer leur bébé mort : deux tâches émotionnellement opposées.

- Je me promenais dans la salle d’accouchement avec ma fille morte sur un bras et mon fils vivant sur l’autre. Je pleurais de peine pour ma fille et je me disais mon petit bonhomme a besoin de moi. Je me demandais comment je réussirais à retomber sur mes pieds.
L'absence d'énergie et les autres émotions, normales dans la phase aiguë du deuil, peuvent rendre difficile la réponse aux besoins d'un nouveau-né.

- Les parents ont le temps de souffler entre la mort de leur bébé et le bébé suivant. Nous, malgré notre peine, il fallait s’occuper de l’autre bébé, tout de suite.

- Je me sentais anéantie par la mort du bébé. Je passais mes journées à pleurer. Heureusement ma mère était là pour m’écouter et s’occuper du jumeau. Ça m’a pris des semaines pour apprécier le bébé qui me restait.
Le bébé vivant peut aussi prendre tellement de temps que les parents n’ont pas l’énergie pour se plonger dans la souffrance d’avoir perdu l’autre et le deuil n’avance pas.
Beaucoup de parents peuvent avoir besoin d’aide dans les soins du bébé. Mais ils ont aussi besoin de quelqu’un qui les écoute parler du bébé mort et de leur peine. Le plus souvent, les proches semblent plus confortables en oubliant le bébé mort et en parlant seulement du bébé vivant. Et ils voudraient que les parents réagissent comme eux.

- On m’a dit : « Vous êtes chanceux ; vous avez ramené un bébé vivant à la maison ». Et nous sommes chanceux aussi d’avoir enterré son frère ?
Plusieurs autres éléments font que de perdre un ou des bébés est difficile quand il y a un ou des bébés survivants.
Le bébé vivant est un rappel constant de celui qui manque.

- Quand le soir je berce mon bébé, je pleure souvent en pensant que je suis le père de deux bébés et que j’en ai seulement un à bercer.

- Pendant des années, je ne pouvais pas fêter la fête de mon fils la journée même de son anniversaire, car cela me rappelait trop qu’il y en avait trois qui étaient nés cette journée-là.
Si seulement un enfant d'une grossesse multiple survit, les parents doivent faire le deuil non seulement du ou des bébés perdus, mais de la perte de l'attention et du prestige associés aux jumeaux et aux triplés. Plusieurs parents sont tristes parce qu’ils n’auront probablement pas l’occasion de vivre à nouveau cette expérience d’attendre deux ou trois bébés.

- Je suis une mère ordinaire maintenant que je n’ai plus qu’un bébé. Avant, j’étais spéciale aux yeux de tous, car j’attendais des jumeaux.

Voici quelques suggestions pour aider les parents après la mort d’un jumeau :
N’hésitez pas à parler du bébé mort et de dire aux gens que vous êtes heureux du bébé survivant, mais que vous avez de la peine d’avoir perdu l’autre bébé. Si le soutien autour de vous n’est pas adéquat, recherchez le partage avec d’autres parents dans un groupe de soutien ou l’écoute d’un professionnel.

Accordez-vous des moments séparés pour penser et pleurer votre bébé mort et d’autres moments pour profiter et être heureux de votre bébé vivant.

Si vous faites une cérémonie de baptême ou une fête pour célébrer la naissance du bébé vivant, vous pouvez penser à préparer un rituel pour commémorer le passage du bébé qui est disparu.

Quand apprendre la nouvelle au jumeau survivant? Le plus tôt sera le mieux. De parler du jumeau décédé peut se faire tout naturellement, chaque fois que vous pensez à lui. L’enfant grandira en sachant qu’il est un jumeau et que l’autre est mort. Il n’est pas nécessaire d’attendre que l’enfant soit en âge de comprendre et de poser des questions. Jamais cette information ne doit lui être cachée.

- J’ai mis la photo des deux jumeaux dans le même cadre. Mon fils est fier de la montrer et il explique aux gens : « Ça c’est mon frère et ça c’est moi. On jouait tous les deux ensemble dans le ventre de maman. Moi je criais fort quand je suis né et maman et papa étaient contents. Mais mon frère, il était mort et papa et maman, ils ont pleuré. » Pour mon fils, c’est tout naturel, mais je vois que ça rend certaines personnes bien mal à l’aise.


 

 Voir un autre anib13.gif article écrit par Suzette Frechette Piperni sur le deuil périnatal (impact sur la famille)

Voir anib13.gif le livre "Les rêves envolés : traverser le deuil d'un tout petit" écrit par Suzette Frechette Piperni


 

 


 

 

 

 

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